Ca commence à bien faire. En quelques années le terme « complotiste » est devenu une manière aisée de décrédibiliser son interlocuteur, voire carrément une insulte. Personne n’ose plus évoquer le mot « complot » de peur de passer pour un de ces misérables -et dangereux- individus qui osent encore se poser des questions. La double-pensée est désormais utilisée très clairement, à savoir que, tout en accordant qu’effectivement des complots ont eu lieu et ont lieu encore aujourd’hui, il est impossible de remettre en questions les versions officielles sous ce motif. Deux injonctions contraires acceptées toutes les deux en même temps tout en refusant de l’admettre. Voilà qui est fort.
A longueur de dessins animés, de séries, de livres, de films, de jeux vidéos, on se coltine des complots à tout va, mais croire qu’il puisse en exister « pour de vrai » est devenu interdit.
Alors qu’on nous parle sans arrêt de prendre du recul sur les informations qu’on nous fournit, de développer son esprit critique et de se méfier des « fake-news », il semble que nous n’avons pas le droit de remettre en questions les informations qui nous sont fournies par les organes validés par l’Etat. Mais tout le loisir pour le faire lorsque ceux-ci ne le sont pas. Toujours la double-pensée…
Pourtant, n’est-il pas sain de se poser des questions, de s’interroger sur les infos qu’on nous impose comme vraies ? Les antécédents ne sont-ils pas suffisamment nombreux pour qu’on soutienne les jeunes qui se disent que peut-être là aussi on leur ment, ou qu’on ne leur dit pas tout ?
Quand ils voient le monde tel qu’il est et le monde tel qu’on leur vend, comment ne pourraient-ils pas s’interroger sur ce qui permet à moins de 100 personnes de posséder autant que 3,5 milliards d’autres personnes ?
A vrai dire, comment expliquer cela autrement que par le complot ? C’est la solution de facilité. Aller plus loin dans la recherche c’est quand on est toujours pas satisfait par les réponses obtenues. Ceux qui trouvent que les illuminatis contrôlant le monde est une théorie qui se tient s’arrêtent là. Les autres continueront à chercher, et finiront par se rendre compte que le capitalisme explique bien mieux par son fonctionnement cet état de fait que le complot des extra-terrestres juifs d’extrême droite stalinienne.
Sous-entendre qu’on est complotiste induit en réalité qu’on n’a pas le droit non pas de croire ce qu’on veut mais tout simplement qu’on ne doit pas se poser de questions du tout… Le problème en réalité n’est pas le complot (il y en a eu, il y en a et il y en aura), mais le fait de ne pas pouvoir s’interroger sans paraître suspect aux yeux « de ceux qui savent » (qu’on serait presque tenté de nommer les « initiés » du coup !)
Si on sonsidère qu’interroger l’Histoire c’est la faire vivre (les Historiens ne cessent de « refaire l’Histoire au fur et à mesure des découvertes), cesser de le faire est mettre un coup d’arrêt à cette Histoire. Cela est très dangereux. Après l’utilisation de la double-pensée, la surveillance par télécran (pardon internet), la dénonciation avec les hachstags, nous voilà désormais confrontés à la mutabilité de l’Histoire.
Se poser la question de la possibilité du complot est pourtant un comportement sain qui devrait être encouragé. Et dont on ne devrait pas avoir honte. Ce questionnement est tout simplement la première étape d’une réflexion qui doit surtout se poursuivre pour aller plus loin dans la compréhension du monde.
Car des complots existent et sont à l’oeuvre actuellement -et c’est bien logique : les guerres ne se préparent pas devant tout le monde, car les raisons de ces guerres doivent rester cachées (prendre des ressources pour s’enrichir). Par contre il faut laisser tomber les extra-terrestres, les juifs ou les francs-maçons : finalement le véritable complot n’en est pas un, c’est seulement la continuation d’une lutte des riches contre les pauvres. Plus que visible dès qu’on s’y intéresse un peu. Il n’est pas le fait d’un petit groupe conscient mais le résultat du fonctionnement millénaire d’un système qui s’entretient de lui-même par des forces qui dépassent de beaucoup les volontés individuelles : l’Histoire, dans laquelle le capitalisme tient une place prépondérante.
Quand Monsanto paye des études disant que ses produits sont bons, et que les députés de tous les pays acceptent sans sourciller ses conclusions, est-ce un complot, de l’incompétence ou un simple mensonge ? Monsanto organise-t-il un complot destiné à empoisonner la population ou essaie-t-il tout simplement de continuer à vendre ses produits qui lui font gagner des milliards ?
Le fait de rédiger les traités en cachette du peuple peut-il se définir comme un complot ou est-ce simplement le fonctionnement logique d’un système qui préfère prendre le risque d’une polémique plutôt que de s’asseoir sur les retombées financières de telle ou telle loi ?
Les exemples sont nombreux, et je doute qu’avec une loi sur les fake news les complotistes cesseront de se poser des questions… mais c’est peut-être tant mieux !
Caleb Irri
http://calebirri.unblog.fr
25 février 2018
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