Cela a pris un peu plus de temps que prévu mais nous y sommes arrivés : malgré le formidable espoir suscité par le résultat du référendum en Grèce, Tsipras a dû céder aux salauds… comme on pouvait s’en douter,les menaces d’une asphyxie d’un peuple tout entier a eu raison du gouvernement grec.
En étant optimiste on pouvait croire à quelques adoucissements de la position de l’Allemagne, mais en laissant les gouvernants à la manoeuvre il fallait se résigner à faire en sorte que la raison politique prenne le pas sur la raison sociale : les Grecs vont devoir trinquer encore, contre la démocratie. Les Européens vont eux aussi prendre leur part, alors qu’ils croient aujourd’hui avoir « gagné » quelque chose. Même les politiques qui se croient vainqueurs seront malheureusement (pour nous) les perdants de l’Histoire : ils sont ceux qui auront entraîné les peuples de l’Europe dans la misère et peut-être même la guerre… pour garder leurs places, pour ne pas prendre le risque d’un chaos total, pour ne pas assumer la vérité de la situation économique réelle, pour ne pas rester comme le responsable qui a fait sauter l’Europe.
Je dois avouer que même en n’y croyant pas je l’aurais presque souhaitée cette « expulsion » de l’euro. on aurait vu alors comment la Grèce s’en serait sortie après, et surtout ce que les autres pays auraient alors fait.
Moi qui croyais que Varoufakis avait démissionné pour de bonnes raisons, je pense aujourd’hui qu’il a surtout été évincé pour laisser la place à quelqu’un de moins intransigeant que lui.
Les créanciers vont ainsi se réjouir de la défaite grecque, les Grecs vont se tourner vers les extrêmes désireux de sortir (mais pour de mauvaises raisons), et les Européens vont comprendre dans quelques semaines ou quelques mois que leurs propres problèmes seront tôt ou tard réglés « à la manière grecque », c’est-à-dire avec une mise sous tutelle du pays. Le fédéralisme voulu par l’Allemagne et accepté par la France verra le jour lorsque tous les pays en difficulté, un à un, se verront contraints de suivre les recommandations allemandes sous peine de se voir asphyxiés financièrement par les « créanciers » de tous bords.
De l’unité et de la solidarité européennes il ne restera bientôt plus rien. Maintenant il ne reste plus que la France qui puisse un jour sortir l’Europe de cette alliance imposée par l’Allemagne à toute l’Europe, avec les Etats-Unis. Il ne faut bien sûr pas compter sur le gouvernement actuel, ni sur le suivant qui ne sera qu’un gouvernement de remplacement -à moins que le FN réussisse à accéder au pouvoir ; et même dans ce cas il ne paraît pas évident que celui-ci une fois en place se lance dans une sortie de l’Europe.
Pourtant (bon d’accord c’est plus facile à dire quand on n’y est pas) je suis convaincu que la Grèce, après le référendum, avait gagné une manche. Pour quelle raison Tsipras et son équipe n’ont-ils pas tout simplement dit « stop, on ne vous remboursera que ce que l’on peut et les créanciers n’ont qu’à prendre leurs pertes ; de toutes les manières vous ne pouvez pas nous foutre dehors car alors vous ne récupérerez rien du tout » ? Qu’est-ce que les gouvernants européens ont dit ou fait, ou menacer de dire ou faire, pour que l’accord rejeté majoritairement par un peuple (et il fallait le faire quand même !) soit accepté quasiment inchangé quelques jours après ?
Il est probable aussi que Tsipras ait eu peur d’être le responsable historique d’une catastrophe économique et sociale (si on s’apercevait par exemple alors que les banques sont beaucoup plus fragiles qu’elles ne veulent bien l’avouer, et qu’en réalité la croissance ne revient pas ; et surtout qu’il suffirait d’un petit grain de sable dans la machine pour tout faire exploser…), mais alors il n’y a plus rien d’autre à attendre que le choix entre une explosion -avec fracas- de l’Europe le jour où les peuples s’apercevront que le roi est nu, et une Europe autoritaire sous le joug de l’Allemagne, en alliance avec les Etats-Unis.
Le problème est que nos gouvernants savent bien qu’ils vont dans le mur (en nous entraînant avec eux), mais il ne semble pas encore né celui qui aura le courage de dire qu’il faut tout recommencer. Que l’Europe est une belle idée mais qu’elle ne peut pas continuer d’exister ainsi. Personne n’osera dire qu’ils se sont fait attraper dans un engrenage infernal qui les oblige à continuer de mentir pour ne pas effrayer les populations qui, si elles savaient à quel point le niveau des dettes est colossal -et surtout qu’il n’y pas que la Grèce qui est menacée de faillite mais l’Europe toute entière, les Etats-Unis avec- se révolteraient demain. Et qu’à terme personne ne remboursera personne !
Il y a désormais deux choses que les peuples de l’Europe doivent faire : changer de gouvernants par une modification du système électoral ( ce qui nécessite la mise en place d’Assemblées Constituantes), et puis refuser de payer les dettes… sans sortir de l’Europe. Renégocier les traités entre eux et imposer à l’Allemagne soit une sortie soit une soumission. Il faut inverser le rapport de force en Europe. Nous avons besoin de l’Europe cela ne fait aucun doute (enfin pour moi), mais pas à n’importe quelle condition. Quittes à en refaire une, ou pourquoi pas deux Europe, pour faire correctement les choses. Il faut que les peuples se prononcent sur ce qu’ils veulent comme Europe, et aussi avec qui ils veulent la faire.
Maintenant il faudrait que quelques parlements (à défaut des peuples, ce qui aurait été bien sûr la seule « bonne » solution) refusent le nouvel accord ; au moins la Grèce. Si monsieur Tsipras ne veut pas être reconnu responsable de ce qui devra nécessairement arriver, il pourrait devenir le coupable qui a hésité à crever l’abcès avant le chaos dû au gonflement puis à l’éclatement de ce dernier, on ne sait pas quand, le plus tard possible…
En attendant se préparent les fascismes de toutes espèces qui contribueront à putréfier les parties encore saines d’un corps déjà moribond.
Derrière la défaite de la Grèce c’est la situation géopolitique du monde entier qui se trouve ainsi engagée dans une voie qu’il sera difficile de dévier tant les gigantesques forces qui les sous-tendent sont puissantes et aveugles. Nos gouvernants sont certes des salauds, mais également des lâches et des inconscients : ils précipitent le monde dans le chaos, sans que personne ne semble rien pouvoir y changer.
Caleb Irri
http://calebirri.unblog.fr
15 juillet 2015
crise