Mon message ne leur parviendra sûrement pas, mais à vrai dire cela n’est pas si important : ils savent déjà ce que je m’apprête à dire. C’est aux citoyens que je m’adresse, car il faut qu’ils sachent eux-aussi : leurs jours sont comptés. Quoiqu’il arrive maintenant, nos hommes politiques sont coincés : d’un côté le peuple, de l’autre les financiers. Ils peuvent le constater comme nous, leur pouvoir est désormais réduit à presque rien, comme monsieur Juncker l’a signifié clairement il y a peu, et publiquement encore. Ils ne sont en réalité que les exécutants d’une idéologie à laquelle leur corruption chronique (comme le prouvent toutes ces « affaires », en passant du luxleaks au Brésil en passant par Guéant ou Cahuzac) les à contraint d’adhérer, l’objectif étant de gagner quelques sous, d’éviter la prison ou le déshonneur pour les moins bons, et pour les meilleurs de réussir à planquer discrètement dans des comptes offshore le petit pactole volé sur le travail du peuple ; c’est ce qui causera leur perte.
Mais pendant ce temps-là, la Troïka décide pour eux. Et pour nous aussi.
Il y a peu ils auraient encore pu faire quelque chose pour éviter cela, mais ils sont eux-mêmes pris dans un jeu malsain auquel ils ne peuvent plus échapper : pris dans une course infernale pour la conservation du pouvoir et l’immunité qu’il permet, ils préfèrent encore courir le risque du chaos que d’assumer leurs mensonges et leurs erreurs, et ils nous entraînent, même « malgré eux », dans une dictature qui fait le jeu de nos ennemis communs en leur préparant le terrain pour ce qui adviendra ensuite.
Car le mouvement est en marche. On peut parler de complot si l’on veut, mais cela est sans doute plus « logique » que volontaire ; peu importe à vrai dire.
Cela faisait longtemps que je me demandais ce qui sous-tendait les événements récents : les guerres, la crise, la corruption… La corruption des politiques par les financiers est le point central de cette situation, et les institutions sont le cadre qui autorisent la corruption. Seulement il me manquait la logique, l’objectif, le but de tout cela : il m’est apparu en regardant cet excellent reportage intitulé « puissante et incontrôlée : la Troïka ». On y apprend clairement que ce n’est pas par incompétence que les décisions sont prises mais bien volontairement, et que, en dehors de toute légalité (en plus du manque flagrant de légitimité), la Troïka a sciemment fait couler la Grèce pour « sauver » les banques françaises et allemandes, ainsi que quelques autres intérêts privés. La Troïka a délibérément refusé, au nom de règles qu’elle s’accorde le droit de ne pas suivre pour elle-même, d’empêcher les intérêts de quelques riches financiers de s’exprimer, et plongé la Grèce, le Portugal, Chypre, dans une telle situation que ces pays se sont vus contraints de vendre à bas coût leurs meilleures entreprises, leurs terres, leurs services publics, leurs banques, à des compagnies privées qui se sont engraissées sur le dos des peuples. Au mépris de toute légalité, mais aussi au mépris de la plus basique des solidarités. Le tout sans qu’on puisse se retourner pour demander des comptes à un organe international au-dessus des lois (et oui, contre qui porter plainte ?).
Avec le TAFTA, la Troïka, le lobbying, la corruption, on s’aperçoit qu’en définitive les plus grandes compagnies privées se hissent peu à peu à la hauteur de la puissance des Etats, et se trouvent aujourd’hui en capacité d’acheter des Etats pour, qui sait, y imposer leurs propres règles ? Aujourd’hui certaines compagnies discutent d’égal à égal avec les Etats, comme on l’a vu récemment entre Obama et Apple ou Google. La Troïka n’est elle-même qu’une émanation de ce que le lobbying des grandes firmes est capable d’obtenir : une sorte d’autorité supra-nationale non élue et non contrôlable par qui que ce soit. C’est que les Etats, mêmes libéraux, sont une contrainte pour ces compagnies. D’ailleurs elles ont bien senti bien que le retournement est en cours. Il leur faut plus de profit, plus de « compétitivité », et donc… moins d’Etat. Les multinationales sont en train de devenir les concurrents des Etats. Cela explique aussi pourquoi les guerres sont de plus en plus nombreuses : les Etats en faillite veulent récupérer de l’argent mais le monde financier ne veut pas en donner. Ils vont donc chercher l’argent et les ressources là où ils sont pour « nourrir la bête », en se battant par ennemis interposés pour le contrôle des ressources, avec les armes et les technologies des multinationales… ressources qui sont ensuite rachetées par les financiers. En laissant quelques miettes aux politiques.
Mais bientôt les véritables dirigeants que sont les grandes multinationales n’auront plus besoin des politiques. On dit que la Californie veut faire sécession, que Google veut créer des plateformes offshore dans les eaux internationales : pour ne pas payer d’impôts ni dépendre de quiconque. Pas de contrainte étatique. Pas de droit du travail ni de protection sociale. Pas de règles à respecter. Ce n’est pas pour rien qu’ils rachètent robots, technologies de surveillance et de contrôle, possèdent les médias et la fabrication des armes. Désormais Apple, comme Google, sont les juges du cryptage -ou non- de leurs produits, possèdent toutes les informations qui transitent « par eux », et peuvent même empêcher les Etats d’accéder à des informations de la plus haute importance pour la sécurité : quelle puissance incroyable laissée à des acteurs privés !
Une fois leurs pions mis en place et dans un cadre institutionnel « acceptable » (et surtout accepté), ils dirigeront les Etats comme des entreprises, comme des particuliers : celui qui est endetté devient un esclave. L’esclavage, c’est la « compétitivité » poussée à l’extrême. L’employé ultime, le top du travailleur, c’est le travailleur gratuit ! C’est bien cet objectif qui est visé. Pour lutter contre la Chine il faut utiliser les mêmes armes : le salaire. Et qui peut faire mieux que gratuit ??
Quand les conditions seront remplies, les politiques seront alors jetés dehors comme de vulgaires consommateurs. Les quelques monopoles qui dominent le monde pourront enfin supprimer l’Etat pour imposer la loi du marché ( enfin la loi de LEUR marché).
Ils devraient y réfléchir. La raison du plus fort est toujours la meilleure !
Caleb Irri
http://calebirri.unblog.fr
7 mars 2015 à 23:13
Globalement assez d’accord avec ton constat j’ai tout de même une objection historique. On a déjà connu ce schéma et l’oligarchie d’alors a poussé des gouvernements autoritaires. C’est ainsi que nazisme ou fascisme sont parvenus au pouvoir. Aujourd’hui on pourrait retrouver ce schéma de pouvoir autoritaire. Cf la tentation de « fermeté » de Manuel Valls avec sa mise en route à Sivens.
En fait je suis un peu dans le doute. Oui, des entreprises multinationales sont fort tentées de s’émanciper de tout appareil d’État. Dans le même temps elles restent dépendantes de structures étatiques (justice, police) faute de quoi elles peuvent devenir victimes de diverses formes de racket venant de systèmes mafieux.
10 mars 2015 à 0:16
@ Un partageux
effectivement, l’autoritarisme pointe son nez. Seulement les moyens techniques pour réaliser la surveillance et le contrôle ne sont pas entre les mains des politiques mais des multinationales. Les lois sont votées en fonction du lobbying (celui capable de payer plus cher en gros – ce qui exprime déjà son caractère mafieux).
Ce que je pense c’est que le temps n’est pas encore venu : ce n’est que lorsque les multinationales possèderont l’armée qu’ils pourront se libérer définitivement des Etats ; et quand on voit comment la « sécurité » privée se développe, il se peut que les forces militaires finissent un jour entre les mains de ceux qui les équipent, le secteur privé. En fait, il est même possible que l’autoritarisme qu’on redoute soit justement une conséquence de cette déliquescence du pouvoir de l’Etat : comme les riches ne veulent pas payer, les politiques sont contraints d’user de la force pour faire revenir l’argent. Le peuple voudra contester et les politiques se trouveront confrontés à un choix excluant : soit laisser la main aux financiers, soit défendre le peuple, contre les financiers. Dans les deux cas l’autoritarisme. Il y aura certainement une sorte de « fenêtre temporelle » pour éviter l’un et l’autre, mais pour cela il faudrait être prêts, c’est-à-dire avoir une alternative construite et crédible à leurs opposer… ce que se propose de faire l’Assemblée Constituante.
14 mars 2015 à 9:06
Tout ceci est important – mais pas nouveau –
C ‘ est le m^me phénomène qui se produit au sein m^me des entreprises où les actionnaires mènent la barque :
les patrons ne s ‘ en départissent pas car ils les font bouffer ( les engraissent ) et les actionnaires ne se départissent pas des patrons non-plus car ce sont eux qui font le sale-boulot .
Si les entreprises veulent se débarrasser des politiques , faire sécession , il leur faudra bien nommer des responsables : bien , c ‘ est eux qui les choisiront – voilà bien une forme de dictature . Peu importe : chacun-e acceptera ce doux joug !
Le mot de sécession a été lâché .
J ‘ y reviens , comme d ‘ hab. –
L ‘ exemple d ‘ une éventuelle sécession de la Californie ( ah ! hippies , où êtes-vous ? ) via-Silicone Valley ) , ou bien la tentative catalane – ont leur pendant » à gauche » :
La Bolivie , l ‘ Equateur , le vénézuela , Tsipras – et pourquoi-pas l ‘ Islande .
Ce sont des exemples de cas qui s ‘ observent à des niveaux nationaux , mais pas seulement – Il y a aussi les actions intra-nationales : le cas de la catalogne , le micro-cas de Marinaleda , tentatives dans la Drôme , dans les Pyrénées …
Je parierais fort que les cas de sécessions se fassent de + en + nombreux :
On mélange difficilement l ‘ eau et l ‘ huile –
Je ne crois pas à une » émulsion » entre des humains qui n ‘ ont rien à faire ensemble –
LoL : si ces cas de sécession se multipliaient ( ce que je souhaite ) , les » riches pourraient bien avoir du mal à trouver des employé-é-s pour nettoyer leurs crottes , repasser leurs chemises , serrer les boulons de leurs voitures .. etc .
Avec les fascistes de tous poils il en serait de m^me .
Bon » Fin-de-semaine » à toutes et tous .