Choisir son camp [réponse à Paul Jorion]

27 juillet 2014

relations internationales

Que ce soient droite ou gauche, Palestiniens et Israéliens, Russes ou Américains, capitalistes ou anti-capitalistes, libéraux ou conservateurs, musulmans, chrétiens ou juifs, gentils ou méchants… il apparaît qu’en toutes les matières il faille choisir son camp ; et qu’en général on a tendance à choisir celui qui nous paraît être celui des gentils. C’est en fonction des informations que nous recevons que le citoyen est amené à se faire une opinion ; à travers donc ce que nous transmettent les médias… dont les propriétaires sont bien entendu indépendants et objectifs.

Ensuite, et pour savoir si la personne avec qui l’on communique, ou qu’on entend s’exprimer est « de notre camp » ou pas (il ne faudrait pas parler à un « méchant » quand même, surtout si ce qu’il dit nous paraît cohérent), pour savoir s’il ne nous abuse pas par ces paroles, comme si ce qu’il était (ou l’endroit d’où il parle) était plus important que ce qu’il disait. On veut savoir d’où il parle pour pouvoir dire « je pense comme lui » ou « il pense comme moi », pour adhérer au message reçu (cela ne nécessite donc pas de se faire une opinion personnelle mais juste l’effet d’un panurgisme beaucoup moins fatigant).

Monsieur Jorion semble pris à parti pour son « manque d’engagement » dans l’un ou l’autre de ces camps, mais à vrai dire cela est plus compliqué qu’il n’y paraît : car il se trouve que monsieur Jorion n’appartient sans doute à aucun camp, même si chacun voudrait bien se l’approprier (même les décroissants !).

Mais quelle est cette manie de vouloir séparer le monde en deux camps ? la propagande de nos gouvernements a-t-elle vraiment sur nos esprits le pouvoir de nous faire devenir de parfaits abrutis ?
Qu’est-ce que ça veut dire un camp ? N’est-ce pas une communauté fermée ? Et puis que signifie « appartenir à un camp » ? à l’heure où l’on condamne le communautarisme il faudrait qu’on en choisisse un ? Mais ce n’est pas si simple, même pour les adeptes binaires du « pour » ou « contre » : les partisans d’un camp sur un sujet peuvent se trouver en même temps d’un « autre camp » sur un autre sujet qui entre en contradiction avec le sujet précédent et ainsi de suite… Et puis il y a ceux qui comme Paul Jorion ne sont dans « aucun camp » : entre la peste et le choléra, il ne veut pas choisir. Mais ceux-là on n’en veut pas, ou on refuse de les entendre. Il faut choisir un camp, on vous dit !

Pourtant le « camp » de ceux qui ne choisissent pas est sans doute le plus nombreux : on peut être à la fois contre la politique israélienne et contre le Hamas, contre celle des Etats-Unis tout autant que contre celle de la Russie, et n’être ni de droite ni de gauche… Et c’est même beaucoup plus sain : au lieu d’entretenir la haine des uns par celle des autres dans un cercle vicieux macabre, il existe un endroit « en dehors » de ces débats qui se terminent en comptes d’apothicaires sur le nombre de morts. Il se situe en réalité dans une opinion mesurée et raisonnable que tous les dictateurs en herbe détestent qu’on choisisse, car elle signifie une hauteur de vue qui nuit à la soumission générale de l’opinion publique vis à vis de la propagande médiatique.

La théorie – enfin les théories – du complot sont en effet bien utiles aux gouvernements qui tentent de nous faire croire que le monde est divisé en deux camps dont l’un est le camp des gentils et l’autre celui des méchants. Pourquoi faudrait-il se ranger à l’une ou à l’autre de ces opinions extrêmes ? Nos gouvernants extrémisent volontairement les opinions pour créer les dissensions et envoient ainsi des leurres qui empêchent aux peuples de voir que la bataille n’est pas économique mais idéologique. Alors qu’en réalité les riches sont en train de se battre contre les pauvres, et les riches sont en train de gagner cette guerre, comme l’a très bien dit Warren Buffet.

On voudrait que Paul Jorion soutienne celui-ci ou celui-là, ainsi on pourrait l’étiqueter franchement, par amalgame, à tel ou à tel « camp ». C’est d’ailleurs à cela que servent les trolls, à vous « étiqueter » : si vous êtes contre le massacre des Palestiniens vous êtes pour le Hamas et ses roquettes, si vous défendez le droit aux Israéliens de vivre sans la peur des roquettes vous êtes un néo-conservateur à la solde des Etats-Unis. On en arrive ainsi à des aberrations : vous pouvez tout à la fois être par amalgames un « fasciste de gauche » ou un « rouge-brun », et même pourquoi pas un « juif-antisémite » !

Mais il ne faut pas choisir un camp. Je suis personnellement contre la mort des enfants palestiniens ET contre celle des enfants de tous les autres pays, Israël compris. Je suis contre le complot russe ET contre le complot américain. Et je me fiche de tous ceux qui me traiteront de lâche ou de tout ce dont on voudra bien me qualifier. Je souhaiterais plutôt qu’on enferme entre quatre murs tous ces messieurs corrompus qui s’appuient sur la haine et la violence pour conserver leur pouvoir, afin qu’ils ne puissent plus jamais décider d’envoyer des êtres humains se battre contre d’autres êtres humains.

Rendez-vous compte : le jour où les hommes décideront de ne plus choisir de camp ils ne voteront plus ni à gauche ni à droite, ils ne manifesteront plus ni pour la Palestine ni pour Israël mais tous ensemble pour la paix, et alors nous pourrons avancer : il n’y aura alors plus qu’un seul camp !

Caleb Irri
http://calebirri.unblog.fr

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