L’économie des besoins contre le besoin d’économie

Il y a deux manières de voir le monde : l’une est fondée sur la rationalisation des moyens, l’autre sur la satisfaction des besoins.

La première correspond à celle que nous connaissons depuis des décennies : c’est la théorie selon laquelle le capitalisme forme un gâteau dont la taille est censée grossir indéfiniment pour pouvoir partager ce dernier en un nombre de parts de plus en plus important. La règle impose une concurrence théoriquement libre et non faussée (chacun pour soi fait avec ce qu’il peut contre tous les autres), mais la réalité conduit par l’accumulation à la création de monopoles qui faussent la règle, ou qui permettent même dans certains cas de la modifier à leur avantage (ils sont devenus les « plus forts » -puisque plus riches). Il apparaît donc que les plus forts, même s’ils sont les moins nombreux, prennent les plus grosses parts, pendant qu’ils laissent les pauvres (les plus nombreux) se battre entre eux pour obtenir les restes.

Cette situation engendre deux conséquences : le gâteau peut bien grossir en valeur ou en volume (artificiellement ou pas), mais le partage de ce surplus est toujours inéquitable puisque si, pour une croissance de 10%, le pourcent le plus riche en prend 9 pour n’en laisser qu’un aux 99% restants, la différence ne sera pas énorme pour les pauvres. On organise ainsi une sorte de « rareté » structurelle, sur laquelle repose l’injustice la plus flagrante de ce système.

Une fois cette rareté constatée, on imagine bien la deuxième conséquence : des conflits, à plus ou moins grande échelle, entre tous ceux qui doivent se battre pour survivre à l’intérieur de ce système.

Cette injustice est idéologique et part du principe selon lequel nous ne serions (par déformation eugéniste de la théorie darwinienne) pas plus que des animaux, contraints et soumis aux mêmes contraintes évolutionnistes d’adaptation au milieu (financier en l’occurrence) : on s’adapte aux conditions d’un marché pour conformer la satisfaction de nos besoins à la valeur de notre porte-monnaie. Ces conditions étant de fait inégalitaires et injustes, il se trouve que les plus nombreux doivent s’adapter à une vie misérable et s’en satisfaire pour décider « rationnellement » s’il vaut mieux choisir entre fromage ou dessert.

Mais nous devrions déjà nous estimer heureux : les riches pourraient tout nous prendre, comme ils l’ont signifié durant la crise chypriote, et ils nous laissent pourtant leurs restes… Pourquoi selon vous : parce que vous leur faites pitié ? Non bien sûr, mais parce que sans votre travail ils ne feraient pas de profit. C’est la contrepartie de la démocratie, ou plutôt de ce qu’elle était. En dictature, vous auriez encore moins. Et c’est bien pour ça qu’ils voudraient bien nous forcer à l’accepter.

La seconde est celle que nous pourrions avoir si nous fondions notre système non pas sur les richesses présentes pour combler les besoins, mais si nous partions de nos besoins pour trouver les moyens de les satisfaire. Cette manière de voir peut paraître évidente mais c’est en réalité une véritable révolution idéologique. Si on regarde la situation actuelle, on s’aperçoit que le système fondé sur le besoin d’économie fonctionne de manière incohérente : les besoins n’ont jamais été si grands (dans presque tous les domaines), et l’absence de moyens contraint pourtant au chômage et à la guerre. Comment avons nous pu laisser faire cela ? Alors que nous gâchons près de la moitié de ce que nous produisons, alors que les technologies à obsolescence programmée ne permettent pas la baisse des prix pour les anciennes versions retirées du marché, alors que le chômage est si grand et qu’on manque de tant de logements, d’hôpitaux, de professeurs ou de bouchers, on continue de licencier et de polluer, de laisser faire des métiers pénibles ou dangereux…

Mais que se passerait-il si on inversait les choses en passant du besoin d’économie à l’économie des besoins, c’est-à-dire de faire passer la raison économique après la satisfaction de ces besoins ?

Nous avons besoin de plus d’infirmières ? Formons-les, payons-les, elles dépenseront leur salaire, auront besoin d’un logement, fonderont une famille (et oui pour régler le problème des retraites quoi de mieux que de faire des enfants ?). Nous voulons cesser de polluer la planète ? Développons les énergies propres, gratuites et infinies, trouvons d’abord les moyens de satisfaire les besoins et regardons seulement ensuite combien cela coûte et combien cela rapporte. Qu’on ne vienne pas me parler de la finitude des ressources ou de l’espace de cette planète, j’ai déjà répondu à cet argument ailleurs : le gâteau est potentiellement infini (comme l’univers lui-même), et il ne tient qu’à nous de suivre la bonne recette.

Je ne sais pas si cette manière de voir serait rentable d’un point de vue capitaliste (je suis sûr qu’avec de savants calculs on pourrait prouver que oui et non- allez-y n’hésitez pas à vous lancer !), mais je suis certain que d’un point de vue sociétal personne n’y perdrait. Et puis si ce sont les calculs qui dérangent, n’en faisons pas : la société toute entière ne s’en portera pas plus mal.

Caleb Irri
http://calebirri.unblog.fr

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