Israel/palestine : l’inévitable pardon

J’ai écris un article sur le conflit israélo-palestinien. Comme une bouteille à la mer, quelque chose qui se voulait présomptueusement « au dessus de la mêlée » et qui pour moi paraissait naïvement logique tant ce conflit m’apparaît aberrant. J’ai beaucoup hésité avant de le publier, et je croyais avoir suffisamment fait attention à ce que mes mots ne fâchent personne, pour ne pas créer de malentendu, afin que l’esprit du lecteur puisse se concentrer sur « l’après », et pas sur la comptabilité du nombre de morts ou d’horreurs subies par des êtres humains, dont les vies sont toutes également précieuses.

Mais force est de constater que je n’ai pas réussi à faire passer mon message. Il apparaît, au nombre de critiques reçues à cet égard (et auxquelles je n’ai pas pu répondre individuellement, je leur prie de bien vouloir m’en excuser), que je suis moi-même tombé dans ce qu’un de mes plus virulents critiques appelle « le syndrome de Tom et Jerry, c’est-à-dire une sorte de « non-engagement » intellectuel qui est passé pour de la lâcheté : à trop vouloir ne blesser personne, je n’ai pas pris le soin de confirmer ce que j’avais déjà dit sur le sujet , et que je croyais stupidement acquis, au moins pour mes lecteurs « habituels » : la politique menée par le gouvernement israélien est ignoble et inhumaine, et je ne désire ni minimiser l’horreur de cette politique, ni mettre sur le même plan les souffrances subies par les Palestiniens dans leur ensemble et… je m’aperçois que je cherche le terme à employer pour parler sans choquer quiconque- le défi est rude à relever sur le sujet- de ce que « subissent » (mais « subissent » est-il approprié ?) les Israéliens : sont-ce des souffrances, ou des vexations, et peut-on dire que la peur est une souffrance ?
Car même si les rapports meurtriers sont impossibles à faire- question d’échelle (sur environ 10 000 morts depuis plus de 20 ans, on compte à peu près 8 500 morts Palestiniens- voir chiffres en 2009, contre 1 500 morts Israéliens- le tout sans compter les morts de faim, de maladies, les réfugiés, ceux qu’on ne compte pas, etc…), les Israéliens reçoivent tout de même quelques roquettes, qui tuent parfois ; et pour les familles de ces victimes on doit bien pouvoir parler de souffrances… Mais plus de 1 000 morts, peut-on parler de « quelques » souffrances, ou doit-on parler de « souffrances » en général ? La souffrance d’une famille israélienne vaut-elle plus, ou moins, ou autant que celle d’une famille palestinienne ?

Enfin toujours est-il que s’il faut parler au niveau des « Etats » (mais là aussi le terme est ambigüe), ou au niveau « global », « démographique », bien entendu la victime est palestinienne, et le bourreau est bel et bien israélien.

Cela étant dit et précisé clairement, je ne renie donc pas cet article car une fois cette constatation établie, le problème reste le même : que peut-on faire, imaginer, proposer pour que ce conflit s’arrête ?

Faut-il appeler à la vengeance éternelle et impossible des Palestiniens et rayer Israël de la carte ? Faut-il leur fournir des roquettes supplémentaires, ou continuer de se satisfaire d’être « du côté des gentils » pour continuer à croire qu’un jour les Etats-Unis oublient de mettre leur veto à une résolution véritablement contraignante de la part de la communauté internationale ? Ou que les dirigeants israéliens se réveillent un matin en se disant « cela a assez duré, nous allons faire la paix » ?

Voilà le véritable sujet de l’article. Pour moi, il s’agit non pas d’oublier ni de faire comme si les horreurs n’avaient pas existé, mais de passer au dessus – même si cela paraît impossible- et de se pardonner pour pouvoir offrir aux générations suivantes un autre avenir que la certitude de la misère et l’oppression, pour toute leur vie, avec comme seule perspective d’atteindre un jour quelques civils, là-bas de l’autre côté, juste pour « se venger ». C’est inévitable. Et il ne s’agit pas non plus de confondre un gouvernement avec son peuple (dans aucun pays au monde d’ailleurs). Car je reste persuadé que si on interrogeait les acteurs et les victimes de ce conflit, la majorité des Israéliens comme des Palestiniens seraient pour la paix.

Seulement comment faire la paix si personne n’est d’accord sur les frontières, sur les « dédommagements », comment faire si les roquettes continuent de tomber pour faire cesser le blocus et que le blocus continue d’être appliqué pour éviter aux roquettes d’être acheminées ? Sans doute si j’étais Palestinien je voudrais moi-aussi lancer des roquettes. Mais sans doute aussi si j’étais Israélien je voudrais moi-aussi la mort des lanceurs de roquettes.

Les dirigeants de ces deux « pays », de ces deux « entités », ont un intérêt bien compris à se poser en garants qui de sa sécurité, qui de son combat pour l’indépendance. Mais ce sont eux les principaux responsables de cette situation qu’ils perpétuent. Ils n’accepteront jamais aucune solution qui menace leur pouvoir ou leur autorité, et ils considéreront toujours un compromis comme un recul ou un échec. C’est pour cela que seuls les peuples concernés sont en mesure de faire la paix. Car eux-seuls sont capables de pardonner. Non pas par lâcheté ni par trahison pour leur cause, mais pour leurs enfants, et tous ceux qui viendront après eux. Et même si ce n’était pas pour cela, ils doivent le faire pour le reste du monde.

Il ne suffit plus de dire « les Palestiniens sont traités comme des sous-hommes, il faut punir les Israéliens pour leurs crimes » ; il faut que les peuples se lèvent ensemble pour dire « nous ne voulons plus de cette situation, arrêtons le massacre ». C’est sans doute un voeu pieu, et je serais ravi qu’on ricane à mon propos. Mais qu’on me dise alors ce qu’il faut faire, et si ce qu’on fait actuellement est suffisant.
Et qu’on ne vienne plus me dire que je soutiens la politique israélienne : je suis pour la paix, et la paix ne peut exister sans le pardon.

Caleb Irri
http://calebirri.unblog.fr

5 Réponses à “Israel/palestine : l’inévitable pardon”

  1. monde indien Dit :

    Bien vu !
    Hélas il est fort à craindre que ceux qui s ‘ accrochent à leur conviction de leur  » oeil pour oeil , dent pour dent  » soient les m^mes que ceux qui maintiennent , sciemment, des millions de gens en état d ‘ asservissement et de misère mortelle , organisent les guerres pour question de profits , etc …
    Ici , les hébreux rendent les coups !
    Oups ! disons plutôt que les  » yeux et les dents  » sont plutôt de 1 pour 10000 -
    On voit bien la connerie de ce proverbe -
    Peut-être alors cherchent-ils à venger leurs morts de 39 -
    Ils se trompent de cible -
    Que les arabes ( ne disons pas les musulmans : ce n ‘ est pas ça , il s ‘ agit bien de culture arabe ) n ‘ ont pas les moyens de telle vengeance , c ‘ est certain -
    Mais on voit dans cette culture que l ‘ intention y est bien -
    Car , surtout , on voit dans ces peuples , hébreu comme arabes , les m^mes aspirations identitaires à la domination opressive par l ‘ économie : celle du pétrole pour les arabes , de la phynance pour les hébreux -
    Ce sont les m^mes qui élaborent les dictatures du fric , et qui utilisent bombes et
    roquettes -
    On sait bien qu ‘ ils ne lâchent pas un centimètre de terrain , ni un centime d ‘ euro -
    Alors est-ce foutu ?
    Non !
    Non , parce que ne sont pas là leur vraies cultures !
    Pas plus que chez nous la culture du fric n ‘ est notre vraie culture française , les cultures de l ‘ oeil pour oeil et de l ‘ oppression économiques ne sont les vraies cultures ni du peuple arabe ni du peuple hébreu – juste d ‘ une partie malsaine , comme chez nous aussi , de leurs population -
    Il existe des milliers d ‘ arabes et des milliers d ‘ hébreux qui ont une autre vision de la vraie vie – Ce sont eux qui feront la paix -
    Les autres n ‘ y comprennent et ni comprendront jamais rien -
    Ils n ‘ arrêteront jamais non plus d ‘ asservir leur peuple -
    Il faudra les déloger de leur pouvoir -
    Comment ??
    Nous avons le m^me problème ici avec nos pouvoirs en place -
    Comment faire ??
    Courage et patience , nous arriverons à mettre tous ces cons , ici et là-bas , sur la touche !!
    Merci en tous cas Caleb , pour tes textes toujours clairvoyants et humains ( ne disons plus humanistes , ce mot qui a l ‘ air de toujours renvoyer le bonheur à d ‘ impossibles Calendes  » greques  » ) -

    Répondre

  2. babelouest Dit :

    Problème. De part et d’autre règne la propagande. Donc les plus jeunes sont conditionnés. En grandissant, en devenant dirigeants à leur tour, ils perpétuent le conflit dans les cœurs, puis sur le terrain.

    Différence. A part ceux qui étaient déjà là en 1948, ou leurs enfants, ceux qui se considèrent comme Israéliens ne sont que des pièces rapportées, et souvent ce sont eux les plus ardents dans l’oppression. Sûrement, ce sont eux le plus grand obstacle à la paix. Parce que ce territoire n’est pas extensible, ce sont eux, le plus souvent, qui peuplent les colonies à droite de l’ex-frontière d’avant mai 1967. Armés et déterminés, ils sont une menace même pour le gouvernement de Tel Aviv.

    Mais alors, comment faire ? Faudrait-il que des Casques Bleus aillent les chasser ? Je crains fort que le représentant US au conseil de sécurité n’y oppose indéfiniment son veto.

    Répondre

  3. Gélinotte Dit :

    Merci pour votre article.
    Comment faire, Caleb ?
    Mais que la France, l’Europe, les USA aient un peu plus de courage politique et obligent Israël à appliquer les résolutions de l’ONU…toutes…ainsi le rendu de la Cour de Justice de La Haye contre le Mur, la 4ème Convention de Genève…en fait tout, TOUT, ce sur quoi Israël s’asseoit depuis le création de l’état.
    Ajoutons-y, accessoirement, du courage aussi de la part de toutes les monarchies arabes si peu soucieuses des palestiniens….leurs corréligionnaires.

    Répondre

  4. babelouest Dit :

    Oui, Gélinotte, mais il faut tenir compte de facteurs bien particuliers. Aux États-Unis depuis longtemps, en France bien plus récemment, ce sont les sionistes qui ont pris le pouvoir. Il suffit de voir les réticences du président français, à voter pour la reconnaissance de l’État palestinien à l’ONU, alors que c’était dans son programme de gouvernement.

    Quant aux Wahhabistes d’Arabie, du Qatar, et d’autres lieux comme Bahrein, ils ne tiennent pas du tout à soutenir le Hamas qui ne reconnaît pas l’État d’Israël.

    Ce n’est donc pas une histoire de courage politique, mais de politique autre.

    Répondre

  5. candide Dit :

    Oh comme je suis ravie d’avoir vadrouillé sur votre blog!
    je suis ok avec vous mais à 200%!
    je me bats sans arrêt pour expliquer que l’heure n’est plus aux règlements de compte, mais à chercher des solutions pour que chacun retrouve une terre et une vie digne. Mais malheureusement si vous ne polémiquez pas, si vous ne prenez pas parti, vous passez pour une « candide », dans mon cas et on vous tire dessus de tous les côtés…
    Surtout ne changez rien!

    Répondre

Répondre à monde indien

"Un homme qui crie n'est pa... |
ENDYMION |
le bien être de candresse e... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Mareil Autrement
| Etudiants du lycée Bertran ...
| Bienvenue sur le blog du RC...