Les Grecs ont perdu… mais les marchés n’ont pas encore gagné

Ce qui devait avoir lieu s’est produit : la Grèce a capitulé. Pas complètement encore, mais presque. Le pays qui se trouvait être le dernier rempart contre l’austérité (on devrait dire contre la baisse de nos conditions de vie) s’est laissé prendre par la peur d’une sortie de l’Euro ( que Syriza ne souhaitait d’ailleurs pas), et son peuple s’est couché face à la propagande éhontée des partisans de la rigueur. A peu de choses près paraît-il, mais qui pourra vérifier de toutes façons ?

Toujours est-il que comme en France, les Grecs ont préféré se soumettre que de se révolter, que de rentrer dans l’inconnu.

Mais aujourd’hui déjà nous savons tous que ce n’est pas suffisant puisque les bourses ne semblent pas totalement rassurées. L’Espagne inquiète, et très rapidement le « cas Grec » risque de s’effacer derrière celui-ci….

C’est que la partie n’est pas terminée : ces derniers jours des voix se font entendre de plus en plus fort pour réclamer le « fédéralisme européen », ou la « gouvernance européenne », ou « l’harmonisation fiscale, économique et politique »… Car le but des marchés n’est pas simplement de faire élire des dirigeants soumis à leurs volontés, mais bien de « légaliser » l’Empire européen que l’Allemagne appelle de ses voeux. Un empire capable d’imposer une politique économique compétitive susceptible de rivaliser avec les grandes puissances économiques mondiales. Et ce n’est que lorsque tous les dirigeants européens engageront leurs signatures au bas d’un texte juridique commun qu’ils seront définitivement rassurés.

En attendant, il faut pour eux continuer d’effrayer les peuples européens, afin que ces derniers permettent par leur adhésion volontaire au projet proposé de se défaire volontairement des régimes démocratiques en place, et puis surtout convaincre les dirigeants en place de se séparer de leurs prérogatives institutionnelles sur le plan national.

C’est la deuxième partie qui commence. Après avoir convaincu les peuples, les marchés doivent désormais convaincre leurs dirigeants, qui eux-mêmes sont poussés par de lourds appareils politiques incontrôlables et sujets aux revirements. Et devenir de simples « vice-rois » ne doit guère les enchanter.

C’est sans doute la raison pour laquelle les tensions sur les emprunts d’Etats se font si fortes actuellement en Espagne, qui ces derniers jours ne semble pas prête à coopérer totalement. Car il faut dire qu’en prêtant à des taux si élevés, les banques menacent directement les dirigeants qui n’ont d’autre choix que de s’exécuter : à partir de maintenant celui qui n’exécutera pas le programme défini par le pouvoir financier se trouvera immédiatement sanctionné.

Le rôle dévolu aux gouvernants nationaux se limitera donc à servir de fusible entre les marchés et le peuple, pour lui imposer de payer sans lui laisser la possibilité de contester.

Et c’est donc avec certitude qu’on peut envisager pour l’Europe, à la suite du traité sur la « règle d’or » qui sera bientôt ratifié, une proposition prochaine, émanant des marchés et défendue par l’Allemagne, d’un texte contraignant juridiquement les Etats à soumettre directement leur souveraineté aux exigences non pas du peuple mais des acteurs de la finance, et auquel certains chefs d’Etats puissants comme monsieur Hollande et sa « croissance » (qui n’est qu’un mot qu’on peut qualifier négativement si on le désire) ne sont pas forcément opposés, mais pressés par leurs peuples de le refuser.

Qui pourra maintenant l’empêcher ? Alors qu’on redoute en France « l’hégémonie » rendue possible par la prise en main de tous les pouvoirs par le PS, c’est en réalité ce dimanche l’hégémonie des marchés sur l’Europe toute entière qui a été hier validée par le peuple Grec ! Et alors que certains « fins analystes » criaient victoire des dimanche, les peuples d’Europe ont perdu avec les Grecs tout espoir d’empêcher ce qui va suivre. Comme nous l’avons fait au soir du 10 juin en France. Que nous reste-t-il à présent ?

La certitude que le changement ne viendra pas des urnes, ce qui retire une option pour l’avenir. Ce sera donc soit la guerre, soit la dictature, soit la révolte populaire.

Malheureusement la violence est inscrite dans chacune de ces options, car en procédant ainsi les marchés entrainent une rancoeur de la part des citoyens envers leurs dirigeants, tandis que les dirigeants sont eux-mêmes contraints par les marchés d’imposer aux peuples des sacrifices qui acculent les citoyens à la misère. Quand quelqu’un vient vous prendre ce que vous avez alors que vous n’êtes pas d’accord, les réactions possibles face à cette agression sont soit de recourir à la justice, soit de se soumettre, soit la violence.

Mais si l’empire est légalisé et le traité signé, ne resteront que la soumission ou la violence. Sauf que ce que les marchés oublient, et c’est là le point crucial qui fonde l’erreur du capitalisme, c’est le facteur « humain », qui n’est pas rationnel dans ses comportements : car à moins qu’il ne se décide volontairement, pour redevenir compétitif, de voir ses conditions de vie se dégrader jusqu’à atteindre celles des « canons » de la concurrence des pays émergents, l’homme poussé à bout finira toujours par se révolter : c’est qu’il est beaucoup plus difficile de renoncer à ce que l’on a acquis que d’acquérir ce qu’on ne possédait pas. Et perdre la liberté après l’avoir connue, cela est difficile à supporter…

Caleb Irri
http://calebirri.unblog.fr

8 Réponses à “Les Grecs ont perdu… mais les marchés n’ont pas encore gagné”

  1. Jean-Marc Dit :

    Si j’étais allemand, je dirais effectivement que je souhaite la règle d’or…

    De là à conclure que l’Allemagne souhaite la règle d’or, ou qu’elle souhaite que perdure l’euro ET l’Europe supranationale avec transferts de souverainetés, il y a 2 pas que je suis loin de franchir…

    :-)

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  2. calebirri Dit :

    @ Jean-Marc

    J’entends bien ce que vous dites, mais l’Europe ce n’est pas que l’Allemagne, donc…

    Et pour le reste, je ne sais pas pour tous les Allemands, mais Madame Merkel l’a dit : ici par exemple : http://www.atlantico.fr/decryptage/projet-europe-federale-dans-cartons-prochain-sommet-europeen-guillaume-klossa-jacques-sapir-jean-luc-sauron-382684.html

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    • Jean-Marc Dit :

      Mais depuis quand calquez vous vos analyses sur ce que déclarent devant les micros les dirigeants des nations?

      Ooooh Caleb, et en plus vous donnez un lien vers Atlantico pour être éclairé sur ce que PENSE et VEUT Merkel en réalité pour Son Allemagne :-(

      Damned!

      Amicalement. Au prochain article.

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      • calebirri Dit :

        @ Jean Marc

        Je dis juste qu’elle l’a dit..

        Pour le lien, j’avoue l’avoir choisi spécialement pour vous… ;-)

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        • Jean-Marc Dit :

          Nan nan nan l’ami Caleb, vous avez basé une analyse sur ce qu’elle a dit, vous n’avez ps fait que dire ce qu’elle a dit.

          Ah Monsisue est joueur sur les liens proposés? En ref au passif Bellaciao à mon avis.
          :-)
          Du coup, comme vous m’avez vu bondir devant Bellaciao et Atlantico, vous devez être sans ancrage me concernant, mince… ;-)
          On éclaircira ça une autre fois.

          Bonne journée, penseur.

          Répondre

  3. Jean-Marc Dit :

    Hi cher Caleb,

    La forme? :)
    « On » m’a fait savoir que vos articles pourraient être en plus de chez Bellaciao qui vous apporte de la « visibilité » accueillis sur d’autres sites à relatives fortes visites :
    sur fdesouche, gala, confédération anarchiste,
    entre autre…

    Cela vous intéresse t’il?

    ;-) :-))

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    • calebirri Dit :

      Salut Jean-Marc, la forme !

      Je vous remercie pour cet étrange commentaire, je ne savais pas qu’ « on » me suivait de près ;) … pour fdesouche j’avais vu ça déjà une fois, et pour les deux autres je ne les connais même pas… Auriez-vous des liens à me filer pour que je regarde ça de plus près ??

      Cela m’intéresse !

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  4. Jean-Marc Dit :

    Laissez tomber, j’étais d’humeur taquine hier, et je rebondissais juste sur votre taquinerie récente lien Atlantico en rapport à mes remarques sur votre marquage au fer rouge/noir because surfréquentation Bellaciao :)

    Bonne semaine Caleb.

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