Sédition : ce mot n’est plus guère utilisé aujourd’hui, car à ce qu’il paraît sa définition a évolué avec le temps, comme nous le fait savoir le dictionnaire en ligne « Larousse ». En effet, le dictionnaire fait la distinction entre « autrefois » et « aujourd’hui », en validant un glissement sémantique assez révélateur :
« -Autrefois, soulèvement concerté et préparé contre l’autorité établie. (Il s’agissait d’un crime contre la sûreté de l’État.)
– Aujourd’hui, attentat, complot, mouvement insurrectionnel. »
De la même manière qu’on considérait pendant la guerre les résistants comme des terroristes, le fait de se soulever contre l’ordre établi est désormais considéré (par cet ordre établi) comme un acte terroriste.
Mais que faire lorsque l’autorité établie l’est injustement ?
C’est à cette question que doivent aujourd’hui répondre les citoyens européens. Car avec la crise la véritable nature de cette autorité a été révélée : les marchés financiers sont les véritables dirigeants de l’Europe. Et pour lutter contre ce pouvoir illégitime puisque non-élu les peuples européens n’ont d’autre choix que de se rassembler en « un » peuple européen, d’organiser et de préparer, de manière concertée, un soulèvement capable de renverser une autorité qui nous oppresse ; autrement dit de recourir à la sédition.
Car en réalité c’est bien cela que craignent les marchés, et qui explique le « coup de poker » qu’ils tentent en ce moment : la contestation de leur pouvoir s’organise et les peuples d’Europe sont aujourd’hui en mesure de reprendre la main sur le pouvoir financier, à travers l’émergence d’une nouvelle force politique, qu’on pourrait regrouper sous le terme « indignés ». N’étant pas en mesure d’expulser un Etat de l’Europe sans son consentement et ne pouvant contraindre le peuple à payer que par la menace de cette expulsion, les marchés espèrent donc faire élire les partis soumis à l’autorité qu’ils détiennent encore et empêcher par tous les moyens l’arrivée au pouvoir d’un parti qui participerait de cette sédition.
Pour faire perdre leur pari aux marchés, il suffirait donc que les peuples prennent simplement conscience du fait que la Grèce ne sortira pas de l’Europe, pour la simple et bonne raison que personne n’y a intérêt : ni les marchés (on vient de le voir avec l’Espagne) qui d’un point de vue capitaliste désirent une Europe à gouvernance économique unique débarrassée de la démocratie, ni les peuples qui par l’éclatement de l’Europe se verraient perdre le peu de pouvoir qu’ils ne détiennent que collectivement.
Car si la Grèce sortait demain, c’est après-demain l’Espagne qui suivrait, et ainsi de suite. Fin de l’Europe. Fin de l’histoire.
Si maintenant la Grèce ne sort pas mais que les dirigeants font payer le peuple, alors tout les autres paieront aussi… et l’on se débrouillera bien ensuite pour faire tomber la liberté et la démocratie, si dangereuses pour ceux qui veulent imposer leurs volontés de domination.
Mais si la Grèce ne sort ni ne paye, alors aucun autre pays ne sortira ni ne paiera.
Que se passera-t-il alors ?
Cela, nul ne le sait et personne ne semble pour le moment vouloir réfléchir à cette hypothèse. Elle est pourtant la plus sensée. Faire payer les riches, supprimer les privilèges, et surtout organiser la suite. Car l’ennemi de la Grèce est le même que celui de l’Espagne ou de la France, et ce n’est pas en renversant un pion à l’ennemi qu’il reculera ses autres pièces. Ce qu’il faut c’est rendre, sous l’impulsion des peuples, au pouvoir politique l’ascendant sur le pouvoir financier .
C’est bien cette « troisième voie » qui se trouve être l’enjeu principal de ce pari. En faisant comme si elle n’existait pas, les marchés prouvent à quel point elle bluffe dans la bataille qui oppose les peuples à la finance, et qu’il nous suffit de ne pas nous y laisser prendre pour qu’ils se retirent.
Car qui donc a réfléchi à cette question autrement qu’en disant que si la Grèce ne paye pas et ne sort pas, c’est le chaos?
Et qui fait, et comment sont faits les calculs qui disent que la sortie de la Grèce couterait 500 à 1 000 milliards d’euros ? Quelle est la part qui reviendrait au privé et au public, aux riches banquiers et aux pauvres du peuple ? L’audit citoyen de la dette serait déjà un bon point de départ pour se faire une idée. Mais c’est dans tous les Etats d’Europe qu’il faudrait regarder de plus près.
Car en définitive il semblerait bien que dans ce cas de figure, rien ni personne ne pourrait s’opposer à la volonté de peuples unis et conscients de leurs droits.
On nous dit que si on taxe trop les riches ils vont partir. Mais ne l’ont-ils pas déjà fait ? Les plus grosses fortunes, les plus grosses entreprises ne paient-elles pas déjà leurs impôts (quand elles en payent) ailleurs dans les paradis fiscaux ? Quand on pense qu’environ 600 milliards manquent déjà à la France, qu’en est-il ailleurs ?
On nous dit que les licenciements et les délocalisations vont faire s’effondrer toute l’Europe. Mais n’est-elle pas déjà en train de se désagréger ? Et les grandes entreprises ne délocalisent-elles pas déjà depuis des décennies ? Faudrait-il devenir moins exigeants que les Chinois pour espérer voir nos entreprises revenir s’installer chez nous ?
Peut-être d’un point de vue capitaliste vaut-il mieux accepter la puissance des forces de la finance et se résigner à voir nos salaires et nos droits diminuer à concurrence de ceux des pays les plus pauvres et les plus autoritaires pour redevenir compétitifs, mais est-cela que nous voulons vraiment ?
Peut-être pourrions-nous plutôt tenter autre chose, cette « troisième voie » qui ouvrirait d’autres perspectives que celles qu’on veut nous imposer !
1- rassembler les forces contestataires pour qu’elles fassent front commun.
2- refuser de payer et de sortir de l’Europe, par les urnes si possible, tout en montrant notre attachement à l’Europe.
3- organiser un audit de la dette par pays d’abord, dans toute l’Europe ensuite.
4- faire payer qui doit, et faire tomber les paradis fiscaux.
5- interdire la spéculation sur les matières premières.
6- mettre en place des Assemblées Constituantes permettant aux peuples de se doter de nouvelles institutions.
7- réfléchir ensemble à de nouvelles règles régissant les échanges et favorisant le partage tout en protégeant notre planète.
8- faire valider tout cela par des référendums.
9- mettre dehors à la fois les financiers et leurs complices dans les gouvernements.
10- instaurer pour l’Europe une nouvelle démocratie.
Et si la sédition, c’était la solution ?
Caleb Irri
http://calebirri.unblog.fr
1 juin 2012 à 13:53
Hello Caleb, j’ai fait un petit billet sur mon blog à propos de ton billet et de ton blog.
A paraître aussi sur Rue89.
2 juin 2012 à 7:04
Comment fais-tu pour faire tomber les paradis fiscaux ?
2 juin 2012 à 8:19
@ Nadine Bompart
Pour faire tomber les paradis fiscaux, l’idéal serait de rendre transparentes (pour de vrai) les chambres de compensation qui ont valu tant et tant de soucis à monsieur Denis Robert…. http://calebirri.unblog.fr/2011/07/08/lillusion-de-la-transparence/
Mais faire cela ce serait pour nos gouvernants et ceux qui les emploient comme se tirer une balle dans le pied, voire dans le coeur !
D’où l’intérêt de reprendre d’abord le pouvoir pour contraindre tout ce petit monde à respecter la volonté des peuples, pourquoi pas par l’intermédiaire d’une Assemblée Constituante…
3 juin 2012 à 11:53
C’est ma journée critique… :-)
Je vous trouve un eu léger là, Caleb.
Pensons aux choses avec sérieux.
Et prenons le cas du Luxembourg, et de Clearstream puisque vous y faites allusion.
Vous savez je l’espère que le Luxembourg fait partie de l’Europe depuis le début, vous savez aussi que son niveau de vie est des plus élevés parmi les pays du monde.
Pensez vous réellement que le peuple luxembourgeois, j’ai bien dis le peuple, qui trouve tant d’intérêt aux pratiques financières e son pays se laisserait déposséder d’une telle manne?
Non. Si comme vous le pensez (à tort à mon avis, cf Asselineau vers lequel je vous renvoie) une Europe démocratique (?) émergeait par miraculeux miracle, le peuple de Luxembourg préfèrerait faire sécession et quitter l’Europe.
Vous envahissez le Luxembourg avec des sortes de casques bleus financiers chargés de mettre son peuple soutenu par ses élites et ses financiers? :-)
Et dans la foulée tous les autres « paradis » au coeur de l’Europe géographique ou politique, ceux du Royaume Uni, de la Suisse?
Cela n’est pas sérieux d’un point de vue théorique et pragmatique.
3 juin 2012 à 21:08
@ Jean-Marc
Cher Jean-Marc, je comprends très bien votre point de vue, et je le partage en partie : c’est d’ailleurs ce que j’ai répondu à Nadine Bompart, il est certain que les principaux intéressés s’y opposeront de toutes leurs forces.
Mais il est tout aussi certain qu’il faudra bien
un jour (enfin si l’on souhaite se sortir de ce b….l) en passer par là. En attendant, et dans le cas du Luxembourg que vous citez, on peut voir les choses autrement : si les paradis fiscaux étaient interdits en Europe et qu’il soit pour les ressortissants européens interdit de s’exiler fiscalement, ce n’est pas l’Europe qui serait embêtée de voir le Luxembourg sortir mais le contraire, ne croyez-vous pas ?
4 juin 2012 à 11:59
Dommage Caleb que vous n’ayez pas rebondi sur mon commentaire plus bas…
Concernant celui-ci, et en toute logique me semble t’il : vous supposez que les paradis fiscaux soient interdits en Europe et qu’il y ait interdiction d’exil fiscal pour les européens.
A cela je vous répond que si le Luxembourg quitte l’Europe, il est absolument impossible à l’Europe-SuperNation (ce qui semble vous plaire, mais mon commentaire plus bas vous incite à creuser le sujet car au delà du beau rêve vendu il y a la cruelle réalité de ce qu’est l’Europe structurellement) d’interdire ce paradis fiscal.
Vous me direz : « oui mais il serait st interdit de faire de l’évasion fiscale (vous parlez à tort d’exil fiscal…).
Je vous fais remarquer 2 choses :
1. il est déjà interdit de faire de l’évasion fiscale au niveau de chacun des pays européens, ce qui n’empêche pas l’évasion fiscale de se faire et en toute beauté! Et vous voudriez que le fait que l’Europe Super-Nation puisse y changer quelquechose? Réfléchissez…
2. Vous ne prenez pas en compte puisque vous parlez d’exil fiscal le fait que ce ne sont pas tant les individus qui pratiquent l’évasion que les firmes.
De la même manière que précédemment, ce que les nations ne peuvent/veulent faire vis à vis de leurs firmes au niveau national une Europe SuperNation le pourrait? Non, pas plus pas moins.
Pour conclure, je réponds donc à votre question. Je crois que le Luxembourg n’en aurait rien à foutre de quitter l’Europe pour préserver son fond de commerce principal, et je crois que ceux qui veulent encore malgré tout l’Europe seraient bien ennuyés car une bonne part des peuples d’Europe attendent une sorte de « signal » pour dire Stop.
Ceux qui veulent imposer une Europe qui est en fait devenue un monstre technocratique non récupérable car aux fondations erronées le savent.
Et ont frémi quant suite aux 55% de Non des français les Hollandais ont suivi l’exemple ainsi ouvert par un 65% de Non…
So cher Caleb? :-)
4 juin 2012 à 21:57
@ Jean-Marc
Vous avez raison, Ce n’est pas si simple… ce qui prouve bien que c’est le système tout entier qu’il faut changer… Cela dit, étant d’un naturel optimiste et vue l’urgence de la situation, je me contenterai déjà d’un « moins pire », et je regrette même de le penser…
2 juin 2012 à 15:41
Sais-tu qu’il existe un mot du peuple pour dire la réalité du mot de « sédition », celui du clan au pouvoir ? : RÉVOLUTION.
3 juin 2012 à 10:31
Vous devriez suivre et méditer en profondeur les très denses conférences de Asselineau.
Peut être, ensuite, n’écrirez vous plus ce genre de phrase cher Caleb :
« ni les peuples qui par l’éclatement de l’Europe se verraient perdre le peu de pouvoir qu’ils ne détiennent que collectivement. »
5 juin 2012 à 11:00
calebirri dit :
4 juin, 2012 à 21:57
@ Jean-Marc
Vous avez raison, Ce n’est pas si simple… ce qui prouve bien que c’est le système tout entier qu’il faut changer… Cela dit, étant d’un naturel optimiste et vue l’urgence de la situation, je me contenterai déjà d’un « moins pire », et je regrette même de le penser…
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Je suis tout à fait d’accord Caleb, c’est bien un « moins pire » qu’il faut viser.
Ceux qui visent à l’idéal de la société et de l’humain sont toujours des gens dangereux dont la force du désir mène à l’intolérance et au totalitarismes, qu’ils soient très rouges, ou très bruns, ou…
Mais comme vous l’admettez je crois, déjà atteindre le « moins pire » est compliqué tant les choses sont imbriquées et verrouillées à tous les niveaux.
Bonne fin de semaine Caleb, une autre fois peut être l’échange de fond sur Europe… :-)
Pour info : vos fils rss ne fonctionnent plus depuis hier il me semble bien.