La crise qui traverse aujourd’hui le monde dans son ensemble ne peut décemment plus être nommée « crise financière » : cela va beaucoup plus loin. C’est une crise systémique, c’est à dire une crise qui remet en cause le système tout entier, à savoir le capitalisme. Car le capitalisme n’est pas un système permanent ou universel, mais une idéologie. C’est le fait de croire que la somme des intérêts individuels favorise l’intérêt général. Ce qui est faux : les chiffres le montrent, et les faits le prouvent.
Ce mensonge, ou si l’on préfère cette illusion dont nous avons été victimes, est en train de laisser place à une prise de conscience populaire réaliste : on voit bien que cela ne marche pas. Et c’est pourquoi tous les économistes du monde ne pourront rien y changer. Et c’est pourquoi il est totalement vain d’espérer retrouver qui la croissance, qui l’emploi, qui la rentabilité : le capitalisme a fini par tomber le masque, et se met à montrer au grand jour les effets de son a-moralité. J’ai déjà tenté d’expliquer ( dès avril 2010) à quel point la situation économique actuelle est inextricable, car tout le monde commence à comprendre qu’en économie, donner à l’un signifie prendre à un autre. Les citoyens ne font plus confiance à ce système, pas plus qu’à leurs agents ; et ils ont bien raison. Car en économie, les deux camps qui s’affrontent actuellement ne jouent la partie que sur un terrain capitaliste, et c’est n’est qu’à l’intérieur de ce système que s’opposent les deux visions qu’on nous propose aujourd’hui, à savoir le protectionnisme ou le libre-échange. Tandis que le réel donne à voir les limites non pas de l’une ou de l’autre de ces deux options, mais du système lui-même.
De là un décalage croissant entre entre ce que veulent les peuples et ce que proposent les dirigeants : car d’une manière ou d’une autre, le capitalisme ne peut satisfaire à l’intérêt général, que ce soit dans un cadre de libre-échange (à l’intérieur duquel les BRICs et les pays « émergents » seront les vainqueurs au détriment des pays dits « développés »), ou dans celui du protectionnisme (à l’intérieur duquel les puissances « historiques » imposeront leur vision d’une nouvelle gouvernance mondiale : un Empire européen allié avec les Etats-Unis, soumis au FMI et peut-être à sa future monnaie -le bancor – capable de contrer la montée en puissance des « émergents »). Mais de quelque côté qu’on le prenne, ce système favorisera toujours les uns au détriment des autres, et c’est CELA que les peuples ne supportent plus.
La question qui se pose désormais à tous, et à laquelle le nouvel « Empire européen » ne doit pas répondre seul, est donc bien celle-là : vaut-il mieux subir le capitalisme ou en sortir ?
Avec comme corollaire la question suivante : après le capitalisme il y a quoi ?
Et les réponses à cette question ne sont pas d’ordre économique, mais philosophique. C’est une idéologie qu’il nous reste à construire, avec d’autres questions concernant la vie en société des êtres humains : l’argent est-il nécessaire, qu’est-ce que la démocratie, quels sont les véritables besoins des hommes, etc…?
Pendant ce temps nos gouvernants, perdus entre le retournement du capitalisme et leurs désirs de conserver le pouvoir, tentent par tous les moyens d’échapper à cette question cruciale pour l’avenir de l’humanité. Préférant l’injustice d’un système qu’ils connaissent à la mise en place d’une véritable réflexion collective sur les meilleurs moyens de favoriser l’intérêt général, ils s’imaginent pouvoir faire cesser la montée en puissance des Etats émergents en imposant à leurs peuples une cure d’austérité inacceptable, et en refermant les frontières autour de ce nouvel Empire qui n’aura plus rien de démocratique. Prétextant la crise et le besoin de « protection » que les peuples fragilisés désirent bien naturellement, ils profiteront de la naïveté de ces derniers pour mettre en place une sorte de « contre-retournement » qu’ils croient en mesure de sauver leur statut, à travers un retour « discret » au protectionnisme, pour croient-ils reprendre l’avantage.
Mais tous se trompent également, et tous les économistes du monde ne sauront régler le problème ainsi. Car le protectionnisme est en réalité une autre forme de conquête (par la force), et rien n’indique que les pays aujourd’hui puissants soient encore les plus forts demain.
Et c’est à ce point que nous devons relier le référendum avorté en Grèce à notre réflexion : en sortant de la zone euro et en refusant de rembourser la dette, peut-être s’apercevrait-on enfin qu’un pays peut tourner sans l’Europe, et que ce ne sont pas les peuples qui ont besoin des dirigeants pour les sauver de la misère, mais nos dirigeants qui ont besoin des peuples pour sauver « leur » Europe (comme le prouve l’attachement constant du couple franco-allemand à aider la Grèce « malgré elle »), et avec elle leur domination.
Une chose est sûre cependant, c’est que les peuples ne gagneront ni à l’une ni à l’autre des deux options économiques. Le niveau de la dette, les cours de la bourse ou la note des agences n’intéressent pas les peuples, car il y aura toujours des maisons à construire, des champs à cultiver, des hôpitaux et des écoles, des routes et des ponts…
Les peuples, eux, n’ont besoin pas besoin des économistes et de tous leurs calculs, mais d’une nouvelle idéologie capable de les faire tous vivre décemment, sans préjuger du lieu où ils sont nés, ni de leurs ascendances sociales. Vivre sans la misère, c’est tout ce que demandent les hommes. Ce que le capitalisme est incapable de leur apporter.
Caleb Irri
6 novembre 2011 à 2:34
Salut,
En France, après la révolution, la devise aurait dû être Liberté Fraternité Justice…
Ce n’est pas un hasard, car de fait, la caste en place ne veut pas remettre l’ordre établi, qui leur est favorable depuis un bon moment.
Pensez-vous réellement que le « peuple souverain » pourra y changer quelque chose ?
Je veux dire, nous vivons depuis un bon moment déjà dans un monde « démocratique » càd le peuple au pouvoir, de l’Afghanistan au Zimbabwe ou tous les pays ou entités sous la charte de l’Onu et des droits de l’homme (d’être souverain absolu).
Après deux guerres mondiales entre pays démocratiques ou non et bien d’autres depuis, des dizaines de millions de morts, de la corruption à tous les niveaux, il serait temps de faire un constat : la démocratie n’est pas la solution.
Bien à vous
6 novembre 2011 à 4:29
Parfait ! (http://imagine-que-c-est-un-reve.over-blog.com/article-consommez-vous-etes-solidaires-88062645.html)
Abdellatif,
Houla ! On va pas te rater :) ! On – et toi avec, y’a pas de raison – va te lui refaire une beauté à la démocratie, on va te lui tomber le voile (un prêté pour un vomi) : tu t’apercevras que tu ne l’as jamais vraiment connue, et qu’elle est capable de te faire des choses que tes rêves les plus fous se sont interdits jusque-là : imagine ce qu’ils vont (pouvoir) devenir, tes rêves.
Ah Caleb, une question : pour le coup nous poursuivons le même but (nous empruntons le même chemin) il me semble :
La démocratie (qui pour moi est (nécessairement) synonyme d’humanité 2.0, d’humanisme), réelle, directe donc : c’est faisable, merci Internet. En quoi ma semaine de quatre jeudis – tant pour assurer la transition vers la démocratie que pour l’organisation elle-même du vivre-ensemble y afférente (yes !) – ne vous emballe-t-elle pô ?
6 novembre 2011 à 6:41
Abdellatif,
Je te l’avais dit : http://imagine-que-c-est-un-reve.over-blog.com/article-abdellatif-charia-pas-la-caput-88089084.html !
6 novembre 2011 à 14:59
@ Abdellatif
à mon avis vous prenez le problème à l’envers : ce n’est pas la démocratie qui ne fonctionne pas dans le sens de l’intérêt général, mais le capitalisme qui empêche la démocratie de s’exprimer… Vous en avez la preuve avec le référendum grec avorté, avec celui concernant le traité de Lisbonne… à croire que si on écoutait le peuple, nous n’aurions pas fait toutes ces erreurs que nous payons aujourd’hui.
@ Fab
Ce n’est pas que votre proposition ne m’emballe pas, c’est tout simplement qu’il reste beaucoup de travail à faire avant d’en arriver là… et je prends les choses dans l’ordre !
8 novembre 2011 à 16:01
Bonjour à tous et merci pour vos réponses :)
En effet, je doute beaucoup, c’est que je ne prétends pas avoir autant de certitudes si ce n’est des choses transcendantes (ce qu’on appelle la foi).
En critiquant à ma manière certaines phrases ou slogans de notre époque comme lorsqu’on dit :
- la démocratie c’est pas ce qu’on vit actuellement
- la gauche actuelle n’est pas vraiment la vraie gauche
- le capitalisme n’est pas la démocratie
- etc…
Je suis perdu… Car j’ai appris à toujours essayer de comprendre les mots et les idées pour ce qu’ils sont.
Quand on dit démocratie, par exemple, je pense à trois niveau de pouvoirs, tous tournant autour de l’Homme : le Capital, les médias et le politique
Dés lors je prends très mal (dans le sens d’une incompréhension) les gens qui disent qu’un autre monde est possible, plus démocratique etc…
Soit il y a un machiavélisme (par ex venant des responsables politiques) soit une profonde ignorance de la manière dont fonctionne le système démocratique (par ex venant des gens du peuple).
Par rapport à la Sharia, je ne me prétends ni savant ni historien, mais ce que je sais, et je comprends que ce ne soit pas médiatisé, c’est qu’Allah à travers l’Islam pousse le croyant a une lutte permanente, mais celle-ci se situe à plusieurs niveau, chaque individu étant plus ou moins en lutte (avec lui-même).
Souvent on entend comme définition ce qu’est un musulman, et bien j’aimerais que quelque fois on se demande ce que, théoriquement, ne peut pas être un musulman.
On connait les choses habituellement interdites (pas de porc, pas d’alcool, morale, etc.) à un musulman et inoffensives pour le pouvoir en place, qu’il soit musulman ou occidental d’ailleurs.
Car celui qui recherche sur l’histoire du Prophète (sws) et son parcours verra qu’il porte en lui un message de remise en question et de réforme pour l’Humanité.
Pour ma part cela tourne autour de deux valeurs primordiales : le musulman ne ment pas et le musulman lutte contre l’injustice.
Pour un croyant et pour reprendre le sujet qui nous touche, la lutte contre l’injustice prends réellement un aspect transcendant quand on sait qu’Allah dit : « Ô Mes serviteurs, Je me suis interdis l’injustice à Moi-même et Je l’ai rendue interdite entre vous », c’est la seule chose que le Créateur s’est interdite et cela, en tant que croyant sincère, nous pousse à éviter de l’être.
Il y a aussi une autre parole qui dit que nous devons lutter contre l’injustice, avec les mains (action, lutte) et si cela n’est pas possible avec la bouche (en s’exprimant) et si cela n’est pas possible avec le coeur (en n’acceptant pas l’injustice).
Évidemment à notre époque, ce sont des mots et des idées corrosives, de ceux qu’on entend pas beaucoup, surtout pas à la télévision ou dans les médias de masse.
Dans l’Islam, il y aussi cette conscience que seul l’Homme est corrupteur dans cet univers, dés lors vous comprendrez peut-être ma façon qui peut sembler pessimiste mais qui ne l’est pas au fond.
Il faut avoir conscience de la limite et des penchants de l’homme pour comprendre les maux que nous rencontrons dans la religion démocratique actuelle.
Qu’on soit musulman ou d’une autre orientation, certains font le choix d’une lutte contre l’injustice et le mensonge.
Bien à vous.
8 novembre 2011 à 19:07
Article intéressant.
La seule fausse note que je relève c’est votre désignation du bancor comme élément porteur d’une nouvelle oppression monétaire voir monétariste. Vous ironisez dans votre article : « un étalon monétaire miraculeux, le bancor. » Mais sans toutefois développer d’avantage le sujet, ni étayer votre accusation sous-jacente.
Il me semble que tout part d’une approche partielle et approximative.
Dans un article début 2007 (http://democratie-directe.blogspot.com/2007_03_01_archive.html) j’ai fait mention du projet keynésien de 1944 :
» Un nouveau système monétaire
Ainsi aux excès des politiques inflationnistes des Etats qui avaient fait de l’émission monétaire un moyen de politique clienteliste répond les excès d’une spéculation financière, rendue possible avec la complicité des banques centrales et des politiques monétaristes qui ont permis de détourner le droit régalien de création monétaire, dans le but d’organiser une pénurie de la contrepartie monétaire destinée à la production et l’échange des biens par les familles et les entreprises, de manipuler les marchés monétaires et d’augmenter les moyens financiers disponibles pour de nouvelles opérations financières spéculatives.
Dans la confusion de cette mondialisation de l’économie, basée sur la spéculation sur les devises et sur les créances des États, dont les principes fondamentaux concernant l’ouverture douanière et financière n’aboutissent finalement – en passant par l’endettement et la désinflation – qu’à une situation de concurrence et de guerre économique, c’est à dire à l’opposé du projet de coopération économique internationale : il est temps de fixer les objectifs et les moyens d’une réorganisation de l’économie. Une économie qui soit un moyen de développement et de désendettement au service de l’homme et des nations plutôt qu’un asservissement de l’un et une ruine programmée de l’autre.
Face à l’échec évident du système de « régulation spéculative » mis en place avec le régime de changes flottants, il nous faut donc revenir à l’étude du plan Keynes qui a été écarté au profit du projet White lors de la négociation de Bretton-Woods.
« Pour l’après-guerre, Keynes avait imaginé un système où les grandes nations ne seraient pas contraintes de placer le respect d’accords commerciaux au-dessus des objectifs de progrès social, notamment le plein emploi. Il y voyait coexister le libre-échange avec un système de protection généreux assuré par des institutions financières internationales. Celui-ci aurait été caractérisé avant tout par un dispositif d’« ajustement des créances » imposant des sanctions aux pays en excédent commercial, et non aux nations en déficit. Cela aurait contraint les premiers soit à accepter une discrimination à l’encontre de leurs ventes, soit à élargir leurs marchés intérieurs pour absorber plus d’importations. Parallèlement, chaque débiteur aurait eu droit à une ligne de crédit dans un système international de paiement, appuyé sur un mécanisme de compensation et une monnaie de réserve mondiale (le bancor). »"
Vous notez ici vous-meme que le bancor n’est d’une part qu’un élément d’une nouvelle approche des échanges internationaux. Il ne se comprend que par association avec :
1. un mécanisme de compensation ou chambre de compensation internationale dont l’administration se fera sous la surveillance des Etats participants ;
2. un nouveau système international de paiement (dont la chambre internationale de compensation et le bancor sont les mécanisme de mise en oeuvre d’une nouvelle philosophie ;
3. Philosophie d’échange équitable dont le principe repose sur un dispositif d’« ajustement des créances » imposant des sanctions aux pays en excédent commercial, et non aux nations en déficit.
Parler de bancor sans faire allusion au concept « d’ajustement des créances », ni a une chambre de compensation multipartite chargée d’établir un consensus sur la parité des dévises, résulte d’un véritable contresens et génère la confusion des esprits.
Keynes avait eu l’intuition d’un véritable systeme anti-monétariste et la stigmatisation ou l’utilisation du « bancor » comme étalon monétariste destiné à renforcer une quelconque gouvernance mondiale est et serait une nouvelle trahison de la pensée keynésienne.
9 novembre 2011 à 8:44
Patriote,
Votre tête me dit quelque chose. Vous voulez la démocratie directe : moi aussi, elle est nécessaire. Je me demande si nous ne nous sommes pas croisés chez PJ…allez leur demander les preuves, ils les ont : une monnaie est incompatible avec la démocratie directe si elle est prééminente.
Vous avez bien lu.
10 novembre 2011 à 6:55
Abdellatif,
Je crois que nous sommes fondamentalement d’accord sur le fond.
Nous essayons d’y mettre les formes.
Au plaisir (http://imagine-que-c-est-un-reve.over-blog.com/article-abdellatif-et-enebre-sont-sur-un-bateau-88406156.html)
13 novembre 2011 à 19:40
Bon article Calleb
Un peut plus nuancé que d’habitude c’est appréciable.
Merci