Nous vivons vraiment une époque incroyable : non contents d’avoir réussi à faire s’effondrer un système qui ne tenait plus qu’à un fil, nos gouvernants tentent aujourd’hui d’en reconstruire un autre encore plus injuste, et cela sous le regard ébahi de tous les peuples du monde, trop abasourdis par les catastrophes qui se déversent en cascades sur toutes nos certitudes conditionnées pour savoir comment réagir.
On le voit bien, on le sent bien, le monde que nous avons connu est en train de se transformer à une vitesse incroyable, et les décisions qui seront prises à l’occasion des évènements que nous traversons actuellement détermineront pour longtemps les conditions d’existence des futures générations. Car à travers cette crise c’est bien plus que l’avenir des banques ou celui des Etats qui sont en jeu, et même bien plus que les intérêts des seuls pays riches : c’est le système tout entier qui se trouve remis en cause, l’Histoire de l’humanité toute entière qui sera bouleversée ; c’est-à-dire toutes nos certitudes, tous nos espoirs, toute notre histoire, personnelle et collective qu’il nous faudra remettre en question. Comme je l’évoquais il y a peu, nous sommes en train de nous apercevoir non seulement que nous avons fait fausse route jusqu’à maintenant, mais qu’en plus on nous a délibérément trompés, et que nous avons été les victimes consentantes d’une sorte de mystification collective…
Tous ceux qui ont bien appris leur leçon, bien écouté ce que les aînés racontaient, qui ont suivi les règles, accepté les limites, tous ceux qui se sont soumis à un système qu’ils croyaient juste et à une idéologie qu’ils croyaient sans faille sont en train de se rendre compte qu’en réalité ils ont été les dindons de la farce : on leur avait promis qu’ils trouveraient du travail, que leurs sacrifices pour acquérir une maison, suivre leurs études, enfin pour « réussir » leur vie « honnêtement » et par leur travail, mais on leur apporte la crise : une crise qui met en lumière les horreurs d’une mondialisation injuste et mortifère à laquelle ils participaient jusqu’à maintenant « sans le savoir », et qu’on voudrait bien les voir maintenant assumer « en le sachant ». Une crise arrivée comme par hasard, imprévue et soi-disant imprévisible, alors même que tous les opposants critiqués, moqués et ridiculisés pour leur pessimisme persistant la redoutaient bien avant qu’elle ne survienne.
Nous nous sommes faits rouler dans la farine, et nous restons là plantés comme pétrifiés, tels des chats domestiques engraissés par des maîtres inconscients, incapables une fois asservis de se nourrir ou de se défendre seuls. Hébétés devant notre télévision, nous attendons encore qu’on vienne nous vendre une solution « clés en main ». Nous attendons bien sagement de savoir ce que nos dirigeants décideront pour nous, tandis que nos dirigeants réfléchissent, eux, à la meilleure manière de conserver le « statut international » de la nation dont ils ont la charge sans perdre leur pouvoir.
Car s’il est bien une certitude dans toute cette histoire, c’est que dans les deux options envisagées pour résoudre la crise, le coût du sauvetage des banques comme de celui des Etats sera pour l’essentiel supporté par le peuple. Il apparaît tout de même assez clairement, aux vues des évènements récents, que ni les riches ni les puissants ne songent à faire d’autres sacrifices que symboliques, et que ces deux forces se sont mises d’accord au moins sur une chose, c’est que le peuple paiera. Peu importe que l’on sauve les banques pour sauver les Etats ou que l’on sauve les Etats sans sauver les banques, à la fin la facture retombera toujours sur les pauvres.
Et si le peuple paiera, c’est parce qu’il n’est pas une force assez puissante pour être considérée comme un acteur de poids dans la négociation. Le peuple n’est qu’un facteur à « maîtriser », et non pas le souverain qui règne. Ceux qui règnent, ce sont ceux qui imposent leurs choix. Et les preuves de ce mépris vis à vis du peuple, de ce manque de considération de la part des dirigeants, nous les trouvons tous les jours dans les journaux : quand on voit avec quel cynisme on laisse crever les Africains, avec quelle insouciance on laisse les pauvres d’Europe sans soutien, avec quelle force on défait la justice, avec quelle confiance on nous annonce le recul prochain de l’âge de départ en retraite, avec quelle hypocrisie on refuse de considérer le peuple palestinien, avec quelles méthodes on dirige nos pays, on ne peut que s’inquiéter des choix qui seront pris en notre nom…
Rendez-vous compte, on nous annonce désormais la fin de l’euro ou la modification de la Constitution sans éprouver un quelconque besoin d’en référer au peuple, pourtant le premier (et le seul) concerné par les réformes que le gouvernement prend (en théorie) en son nom, et personne ne s’en émeut ? Cela fait maintenant plusieurs mois que tous les signaux sont au rouge, et personne ne s’étonne qu’on ne nous consulte pas, nous le peuple ? Cela fait des semaines qu’on glorifie le « printemps arabe », et nous sommes encore si peu dans la rue ?
Qu’attendons-nous pour réagir, et refuser ce qui nous attend ? Si le peuple a été si longtemps méprisé, c’est tout simplement parce qu’il n’est pas assez uni, et ne peut être sans cela considéré comme une force. Et pourtant nous sommes une force ! Nous le peuple, nous constituons le seul rempart capable de lutter à la fois contre la finance et la politique. Nous devons être capables d’ouvrir les yeux pour comprendre et refuser d’accepter le monde injuste dans lequel nous vivons, et auquel nous participons de gré ou de force. Nous devons nous rassembler pour dire ensemble et d’une même voix que nous ne voulons plus d’eux, et que nous sommes le peuple souverain. Ce sont « eux » qui ont besoin de nous. Nous, nous n’avons pas besoin d’eux.
Nous n’avons plus le droit de nous cacher la réalité objective que met en lumière cette crise, à savoir que dans le capitalisme si le malheur des uns fait le bonheur des autres, le bonheur des uns fait aussi le malheur des autres. Même si nous nous relevons de cette crise dans le cadre du capitalisme, d’autres trinqueront à notre place. La vraie leçon, c’est que les peuples de tous les pays sont victimes du même ennemi, le capitalisme, et de ses deux agents la politique et la finance. Unissons-nous contre eux, et rendons-les inutiles : attaquons les partout où ils sont le plus vulnérables, et mettons-en place les conditions d’un monde meilleur . Autour de cette seule et même revendication, pour tous et partout dans le monde, exigeons la fin de la dictature du capitalisme et la convocation des Etats Généraux pour la création d’une Assemblée Constituante. Cessez donc vos manifestations corporatistes à des jours différents et pour des motifs de castes pour vous unir derrière un même espoir, arrêtez de signer des dizaines de pétitions pour n’en signer qu’une seule, réclamez à vos élus un référendum d’initiative citoyenne pour appuyer la mise en place de cette Assemblée Constituante, arrêtez de voter pour des corrompus de droite et de gauche pour vous concentrer sur l’avenir et le fonctionnement de l’Assemblée Constituante, n’acceptez d’eux que ce dont vous ne pouvez vous passer, et engagez-vous !
Cette mascarade a assez duré, levons-nous, unissons-nous et agissons, pour ne pas que l’Histoire se répète. Nous en avons encore les moyens, alors profitons de cette fenêtre ouverte par la crise pour construire ensemble un autre futur… car à défaut d’être nos juges, nos enfants pourraient bien être nos victimes.
Caleb Irri
25 septembre 2011 à 8:11
D’accord.
Où et quand ? Moi j’amène :
du vin et,
l’idée que la solidarité doit être satisfaite avant tout (aujourd’hui elle est conditionnée à la production, de merde souvent, il faut le dire !), avant de passer à autre chose, et,
le comment.
Au plaisir donc
25 septembre 2011 à 9:23
la population est sous hypnose, les neurosciences ne sont pas assez vulgarisées.
11 octobre 2011 à 15:09
Bonjour merci pour ce post.
11 octobre 2011 à 16:46
Merci à vous Serge pour ce grand moment de solitude.
14 octobre 2011 à 16:25
INDIGNONS-NOUS : http://imagine-que-c-est-un-reve.over-blog.com/article-indignons-nous-86525202.html
17 octobre 2011 à 13:48
Ça « chie » : http://imagine-que-c-est-un-reve.over-blog.com/article-titre-censure-86690286.html
27 avril 2012 à 9:34
« ….La vraie leçon, c’est que les peuples de tous les pays sont victimes du même ennemi, le capitalisme, et de ses deux agents la politique et la finance….. »
Rien n’est plus vrai Caleb !
Michel
27 avril 2012 à 11:21
Je persiste à dire qu’en termes de crédibilité les phrases du genre « ….La vraie leçon, c’est que les peuples de tous les pays sont victimes du même ennemi, le capitalisme, et de ses deux agents la politique et la finance….. » vous desservent.
Oui, il y a un problème avec le « capitalisme » (guillemets, car derrière ce terme une réalité bien complexe se cache).
MAIS en écrivant ce genre de phrases :
- d’un part vous rametez les et êtes identifié aux anars ou gauchards primaires et qui seraient une option économique et politique pire que ce que nous vivons ;
- d’autre part quand vous associez le projet de constituante à ce genre de phrases, ceci renvoie que vous le vouliez ou non vers les idées soi disantes démocrates du Front de Gauche, qui sont une arnaque de positionnement-communication pure et simple. Dans leur esprit, ainsi que dans celui d’associations plus ou moins proches de ces mouvances, les constituants devraient être élus au suffrage universel, mais rien n’est jamais dit ouvertement sur qui pourrait « postuler ». Pour le Front de Gauche (11% de votants seulement avec 20% d’abstention et 10% de non inscrits, cela suffit à poser leur légitimité démocratique!) , ce sont bien entendu des proches à eux déguisés et les corps intermédiaires du genre syndicats ; quel projet légitimement démocratique et contemporain!
L’ensemble de vos propos pourtant souvent intéressants souffre de cela.
A moins que « en soyez »…, mais cela ne colle pas avec votre appel à l’abstention, que j’approuve tout à fait.
J’ai été surpris par le relatif faible taux au premier tour, 20%, mais sur les présidentielles la pression sociale est très forte sur les esprits.
Nous verrons aux 1er tour des législatives, moins sous pression, quel sera ce taux, qui j’espère dépassera les 40% (1997 32% – 2002 35% – 2007 39%…), pour enfoncer un peu plus le clou sur ce qu’il faut bien constater, tout simplement la non légitimité démocratique des personnels politiques professionnalisés.
27 avril 2012 à 14:46
Il est des gens qui entrent dans un parti politique, comme on entre dans un club social. Ces gens, et ils sont légion dans les partis en place, sont d’abord soucieux de se faire aimer, de bien paraître, de bien s’intégrer dans l’organisation. Pour eux, les idées, les principes politiques sont secondaires. Ce sont eux qui se targuent d’être membres d’un même parti politique « depuis 40 ans Monsieur ! »
… comment, en quarante ans, au cours des luttes idéologiques d’un parti d’idées, peut-on ne pas avoir quitté, au moins quelques années, ce parti, quel qu’il soit ? Ces gens sont les conformistes des années 2000 ; des modérés qui veulent se démarquer des « intransigeants », des « radicaux » . Ce sont des bien-pensants de la rectitude politique.
Ces gens irrécupérables, au cerveau lessivé par la propagande du capital, constituent la majorité des membres des partis politiques occidentaux. Ils sont des insignifiants au service du non-changement, de la non-évolution. Ils se disent « de gauche » mais leurs actes profitent au capitalisme établi. Les partis existants sont pour la plupart, à combattre. Leur direction, leur députation, et les faux frères qui les composent sont des ennemis.
Le capital, par sa propagande, a instauré le règne de l’insignifiance, ou l’absence de pensée, de réflexion. La contestation doit être remplacée par l’ouverture, le respect, l’acceptation de tout, sans se questionner.
Les partis d’idées ne sont plus l’ombre de ce qu’ils étaient. En 2011, il faut regarder du côté de l’Amérique du Sud, suivre l’exemple des partis bolivariens. Créer des partis neufs, socialistes, qui s’empareront du pouvoir envers et contre la dictature médiatique, le capital, et mettront l’État au service des citoyens.
Pour terminer, permettez-moi de vous présenter cette réflexion de Étienne Chouard :
« ….. L’élection ressemble à un mythe religieux, avec un dogme, un catéchisme enseigné très tôt aux enfants, des interdits de douter, des prêtres, des blasphèmes et des excommunications… tout ça au service d’un pouvoir bien réel, pas idéal du tout ….. l’élection permet aux riches d’acheter le pouvoir, (et donc de ne plus payer d’impôts, de mener durablement une politique de chômage, de bas salaires et de gros profits) …… »
Michel Rolland
18 septembre 2012 à 9:53
Si le capitalisme n’est que l’expression des rapports de force dans les relations économiques, s’opposer au capitalisme et à ses sbires, c’est s’opposer à cette partie sombre de nous-mêmes, forgée par la lutte pour la survie, mais qui nous constitue, comme nous constitue une partie claire faite de compassion et d’altruisme, indispensable aussi pour notre survie.
Qu’il faille sans doute plus d’altruisme et moins de rapports de force, sans doute ! Mais proposer de détruire ce qui relève du rapport de forces pour voir émerger l’altruisme, c’est comme couper la main du voleur : il ne pourra plus voler, mais il ne pourra plus travailler, et donc sera obliger de voler pour survivre. Voler de la main gauche étant plus facile que travailler de la main gauche, s’il faut survivre dans des conditions difficiles, pour faire émerger de force l’altruisme chez le voleur, coupons lui aussi la main gauche pour lui offrir comme dernière ressource de voler ou travailler de la bouche ou du pied.
C’est possible, évidemment. Qui n’a pas reçu à Noël des cartes postales de l’œuvre des peintres de la bouche et du pied, nous encourageant à verser notre obole pour qu’il continuent à peindre avant qu’on leur coupe le pied ou qu’on leur bouche la bouche.
Votre proposition d’automutilation des peuples pour voir émerger le meilleur d’eux- même et le monde meilleur qui en découle, est une remarquable pensée double !