En Tunisie comme en Egypte ou en Lybie comme en Syrie, en Iran comme en Chine ou en Espagne comme en Angleterre, les mouvements contestataires qui se développent n’ont qu’une seule et même revendication : la démocratie. Et pour ceux dont le régime est déjà officiellement celui-ci, le peuple réclame alors la démocratie « réelle ».
Par dessus les revendications salariales ou les conditions de travail qui se dégradent, la volonté première des peuples est de pouvoir exercer pleinement (et réellement donc) leur souveraineté.
Que cela signifie-t-il ?
Si on considère la valeur de la démocratie par rapport à la réaction des autorités en place face à une contestation unitaire et rassemblée des citoyens, rien n’indique effectivement que la Tunisie ou la Lybie doivent être considérées comme des Etats démocratiques… ni que la France soit en mesure de revendiquer ce statut. Mais en réalité la situation risque bien de ne pouvoir se produire, tant la répression face aux moindres actes « rebelles » est dans ce cas efficace et implacable, doublée quasi immédiatement d’un durcissement des lois « sécuritaires » en vigueur. Comme dans les dictatures autrefois « amies » de nos chères démocraties auto-proclamées, les peuples n’osent que rarement s’opposer à un gouvernement qui ne laisse rien passer. Et il est aujourd’hui clairement établi, comme en Angleterre récemment, que nos gouvernements n’ont nullement l’intention de laisser se développer de tels mouvements (même s’ils s’y préparent avec leurs fichiers pour la surveillance, leurs lois de contrôle et de répression) ; sans compter qu’ils ont en plus les moyens techniques de faire respecter « la loi et l’ordre » chez eux, et cela mieux que n’importe quelle dictature.
Pour ne pas se trouver dans une telle situation d’être débordés, les pays « démocratiques » utilisent et appliquent donc la « tolérance zéro » pour juguler toutes les velléités contestataires, car ce sont les gouvernements qui font la loi : et lorsque le peuple s’oppose à son gouvernement, la légalité se trouve être contre le peuple. Les mesures anti-sociales qui s’apprêtent à passer dans toute l’Europe seront votées malgré une opposition populaire forte, mais impuissante : les manifestations, pétitions et autres illusions démocratiques sont des outils inefficaces.
Que leur manque-t-il donc pour qu’ils ne se révoltent vraiment ? Et surtout, qu’est-ce qui distingue nos propres gouvernants de ceux des régimes qui sont tombés il y a peu ? En Tunisie aussi il y avait des élections dites « libres » et « démocratiques », en Côte d’Ivoire aussi ! et un parlement, et une presse dite « indépendante », et une justice dite « impartiale », etc…
Tout cela était truqué, me répondrez-vous sans doute, et des élections gagnées avec 80% des voix c’est un score de dictateur… mais rappelez-vous le cas Chirac contre Le Pen il n’y a pas si longtemps: à combien de pourcents a-t-il été élu ?
Et vous les trouvez démocratiques nos élections qui ne comptent pas les votes blancs et qui permettent de telles situations ; et vous la trouvez indépendante la presse qui s’autocensure pour continuer à être financée par les amis du pouvoir, et dont le président de l’audiovisuel public est nommé par le président de la République ; et vous la trouvez impartiale la justice qui condamne les petits délinquants et laisse libres les voleurs puissants ?
Maintenant, tout dépend de la définition que l’on fait de la démocratie : si elle n’est que le respect de la « légalité », exprimée et soutenue par le peuple au suffrage universel direct à l’occasion de l’élection présidentielle tous les cinq ans, alors la Tunisie était bel et bien une démocratie. Mais si on considère à présent la démocratie comme l’expression de la volonté du peuple et du respect de cette volonté, alors la Tunisie ne rentre plus dans les critères de cette définition, pas plus que la France, signant par exemple malgré l’opposition de son peuple le traité de Lisbonne en bafouant ainsi sa volonté. Croyez-vous que la majorité des français, s’ils étaient consultés, soit en faveur des mesures qui sont prises ou à prendre, ou même qui ont été prises à l’occasion de la crise financière, ou de l’engagement en Afghanistan, ou sur le nucléaire, ou dans l’affaire Karachi ou celle de Woerth-Bettencourt, … mais cela change-t-il encore quelque chose ?
Non, car la France n’est déjà plus une démocratie. Le système électoral est corrompu, car les Lois qui régissent nos institutions ne sont plus conformes à l’esprit des droits de l’Homme sur lesquels elles ont été fondées. Et la volonté du peuple n’est plus respectée.
Aujourd’hui les réformes proposées au parlement sont systématiquement validées par une majorité qui fait de plus en plus penser que ce dernier n’est qu’une chambre d’enregistrement des volontés d’un parti unique. Cet état de fait correspond clairement au passage au « régime présidentiel » validé lors de la modification constitutionnelle établissant le président pour le quinquennat, avec les législatives à suivre. Cette modification entraîne presque mathématiquement une majorité acquise au président, pour cinq ans et sans révocabilité possible, tandis que la réforme des collectivités territoriales risque en plus de supprimer la seule manière pour une opposition politique de se défendre à travers les élections régionales… nous finirons bientôt par n’avoir plus qu’un seul parti en place, celui du président.
L’élection présidentielle ne signifie donc ni plus ni moins que d’élire son dictateur pour cinq ans, si toutefois le régime ne change pas alors définitivement à l’occasion de la prochaine réforme constitutionnelle sur la « règle d’or », règle qui empêchera à l’avenir toute politique de relance par la dépense sociale, c’est-à-dire toute politique « de gauche »…
Mais cela n’est pas encore fait, et la règle d’or doit pour être ajoutée à la Constitution recueillir les 3/5 du parlement en congrès, ou bien supporter la tenue d’un référendum national, dont je doute qu’on l’oserait proposer au peuple. Elle sera donc bientôt votée. Si la démocratie était respectée, il ne fait aucun doute que c’est le peuple, et lui seul qui devrait être consulté en ces occasions, car les conséquences de telles modifications le concernent pleinement. En l’absence de cette consultation, peut-on encore parler du respect de la volonté du peuple, ou de démocratie ?
En fait, lorsqu’on y réfléchit cinq minutes, tout se passe en France exactement comme en Tunisie, ou en Egypte, à la différence près que notre gouvernement est déjà prêt à livrer bataille pour ne pas laisser des émeutes se propager, et dispose pour cela de moyens techniques, judiciaires et légaux qui empêchent toute contestation sinon de se former, au moins de se développer.
Imaginez maintenant que les manifestations de la fin septembre dégénèrent en émeutes, ou que les 8 millions d’individus vivant sous le seuil de pauvreté se révoltent pour réclamer qu’on les aide, que croyez-vous que notre gouvernement ferait de plus ou de moins que le dirigeant Syrien ? Il enverrait bien sûr lui-aussi l’armée, couperait internet, propagerait des rumeurs et mettrait en place un couvre-feu, adopterait des lois punitives et ferait des exemples… Doit-on en arriver là pour se rendre compte de la véritable nature de notre démocratie, pour comprendre enfin qu’elle n’a rien à envier à celle des autres pays ? Doit-on attendre que la misère fasse place à la colère pour accepter que la démocratie n’existe plus ?
Mais si la démocratie est une illusion, les vertus de la violence en sont également : Se débarrasser d’une dictature ne signifie pas tomber dans la démocratie, car si la violence est le moyen le plus sûr pour détruire, il n’est d’aucune utilité pour reconstruire. C’est d’ailleurs ce que les acteurs du « printemps arabe » sont en train d’éprouver en ce moment : faute d’avoir envisagé la succession du tyran, il est à craindre qu’ils se fassent voler leur révolution.
Regardons les choses en face, et réagissons : si la démocratie n’existe pas, cela ne signifie pas qu’elle ne peut exister. Tâchons de la créer alors, et la révolution deviendra alors inutile : devenez des engagés !
Caleb Irri
11 septembre 2011 à 14:47
Si vous avez des sottises à dire,ne le faites pas sur bellaciao.Il y a même des gars qui croient que Cuba(système à parti unique) est une démocratie.Et pourquoi pas la Corée du Nord?A mourir de rire!De plus,il y a des niveaux de démocraties,toutes imparfaites comme je le dis souvent.Mais le simple fait que vous puissiez dire autant d’âneries publiquement,sans aucun risque,démontre que notre niveau de démocratie est déjà bien supérieure à beaucoup de régimes que bellaciao et vous semblez tant aimer.Rappelons aussi que le système de représentation en UE est le moindre mal,que les contre-pouvoirs forts existent,que vous pouvez interpeller vos élus et même les critiquer(Le Canard,bellaciao entre autres),ce que vous ne pouvez pas faire dans ce qu’on appelait les « démocraties populaires »,ni démocratiques ni populaires…Mais quand donc allez-vous vous taire?Passez vos dimanches tranquilles en famille,cessez d’être le petit fonctionnaire qui se prend pour un penseur de haut niveau et qui,comme tout le monde,ne sait rien!!Remarquez,vous n’êtes pas le seul à dire n’importe quoi sur bellaciao,mais j’avoue prendre un sacré plaisir à flinguer les petits penseurs de votre genre.Le grand soir peut attendre avec des lascars pareils!!Essayez le site du FN la prochaine fois si tant est que le passage devient de plus en plus rapide de l’extrême gauche à l’extrême droite,même chez nous les maghrébins!Ne prenez pas la peine de me répondre,je ne vous lirai pas!
11 septembre 2011 à 20:59
@ Ali
Menteur !
12 septembre 2011 à 15:53
Moi je trouve cet article extrêmement intéressant! Je me suis permise de le faire tourner et de le reproduire, avec lien vers votre blog bien sur!
Bien à vous!
Cinquiemevitesse
Dernière publication sur 5 ème Vitesse : Voyage vers l'inconnu
12 septembre 2011 à 18:12
Quelle ignorance !! La France n’a jamais été une démocratie en tout cas pas celle des images d’épinal dans vos petits cerveaux et un jour vous le comprendrez à force de chercher la merde.
La démocratie a été inventée en Grèce où il y avait un ensemble de petits royaumes……(les origines de la pensée grecque de Jean -pierre Vernant) Comment peut on consulté l’avis de plus de 60 millions de personnes ?
13 septembre 2011 à 18:58
@ S6v20 : Par referendum ?
14 septembre 2011 à 17:42
Bonjour,
C’est chaud là ! Mais le constat est bon.
La démocratie est synonyme de dialogue. Ce qu’il faut pour dialoguer, c’est du temps.
Le constat que vous faites est le même que font les éconophiles dans leur spécialité. Le même que font les profs. Etc. Ce constat, c’est le capitalisme : l’organisation pyramidale. Rien que le nom suffit à expliquer la situation, le type d’organisation : nécessairement non-démocratique. A-démocratique.
Il y a des solutions pour s’organiser différemment. En économie, il faut se débarrasser de l’échange monétaire tyrannique. Même Paul Jorion et sa technique en arriveraient là, mais ils ne veulent pas en parler. Pour éviter qu’une nouvelle forme de tyrannie se développe, il faut également tailler les autres branches du capitalisme.
À commencer par la politique…
15 septembre 2011 à 0:26
Un référendum oui! Mais c’est impossible d’en faire un pour toutes les décisions que doivent prendre les politiciens quand il s’agit de plusieurs millions de personnes. A la base , la démocratie a été pensée et inventée pour un petit nombre de citoyens pour qu’ils puissent chacun exprimer leurs opinions et encore il y avait beaucoup d’esclaves qui créaient une sensation de liberté pour ce soit disant citoyen « démocrate »….
Et encore (pour encore sortir des stéréotypes) , pensez vous qu’il est plus important d’avoir faim où de penser à la politique ? On fait une révolution parce que on a faim. Il existe quand même de nombreuses nécessitées dans la vie.L’homme est d’abord un animal qui a des besoins primaires(manger,dormir en paix…..).L’homme a aussi besoin de se croire plus fort que son voisin.
15 septembre 2011 à 9:17
S6v20,
Ma réponse est coincée dans la boîte à spam. Dans l’attente, vous pouvez la voir ici : http://imagine-que-c-est-un-reve.over-blog.com/article-la-democratie-oui-mais-comment-84326511.html
16 septembre 2011 à 6:49
L’a-démocratie est visible dans l’économie, dans la politique, dans l’éducation…partout : le vivre-ensemble n’est pas démocratique.
Si tous les testards ecclésiastiques se donnaient la main… L’union fait la force.
CRISE ÉCONOMIQUE (POLITIQUE, DE L’ÉDUCATION, DE LA SANTÉ, ETC.) : SYMPTÔME DE LEUR CIVILISATION !
17 septembre 2011 à 14:44
Puisqu’ils adorent le CNT, tout en haut … si on leur en montait un ?
26 septembre 2011 à 9:37
le mot démocratie est un faux ami : le contenant exhale un parfum séduisant qui ne correspond pas au contenu ! Jusqu’à une période récente, nous nous en sommes plus ou moins accommodé. c’était avant l’avènement du réseau Internet avec ses effets démultiplicateurs sur deux niveaux de la vie démocratique qui interagissent :
1/ l’esprit critique croit de manière exponentiel
2/ devant la prise de conscience qui en résulte, les petits soldats de la démocratie, sentant les crocs du berger allemand venir titiller leurs mollets, mobilisent toutes les ressources mises à disposition par ces TIC du XXIe siècle pour conserver le pouvoir dont ils pouvaient au préalable disposer plus confortablement, jouissant alors d’une rente de situation faiblement contestée à l’extérieur du microcosme politique !
Or plus le pouvoir politique tente d’accélérer le rythme de mise en oeuvre de ses prérogatives, plus il peine à préserver les apparences de la démocratie. Et donc plus celle-ci est questionnée et contestée dans sa mise en oeuvre actuel par celles et ceux des citoyens qui s’empare de la réflexion sur ces sujets politiques et diffusent leurs analyses via ce média hautement démocratisé qu’est le web !
Il apparait donc au grand jour qu’il y a un décalage quasi insurmontable techniquement entre les aspirations sincères à la démocratie de la masse des êtres humains éduqués et les conditions politiques et techniques de la mise en oeuvre de celle-ci à l’échelle de groupes humains de grande dimension.
Toutefois ce constat ne doit pas servir d’argument pour disqualifier ces aspirations. En effet, on ne progresse pas en faisant l’autruche. c’est en se confrontant au blocage engendré par une situation qu’une solution finira par émerger au bout d’un temps indéfini. A force de se frotter au problème, de la problématique qui finira bien par émerger découleront des réponses aux attentes frustrées à l’origine de cette demande de plus (de mieux) de démocratie !