Il paraît qu’on veut faire revenir la morale à l’école : il était temps ! Il est tout à fait formidable qu’on s’aperçoive enfin du nombre de générations perdues avec sa disparition : ces mêmes politiques qui en ont tellement manqué lorsqu’ils étaient petits, voilà une bonne chose qu’ils soient encore capables de le reconnaître.
Imaginez donc ! C’est en réalité une vraie révolution à laquelle nous assistons avec ce retour aux cours de morale : faisant amende honorable, nos bons gouvernants renoncent apparemment à offrir à nos enfants une éducation comparable à celle qui a été la leur, c’est-à-dire une éducation sans morale ; permettant ainsi de faire cesser les conséquences désastreuses liées aux incroyables manquements dont ils ont été eux-mêmes victimes jusqu’à maintenant. Voilà peut-être même de quoi expliquer la crise financière, les guerres qui ont essaimé les dernières décennies, les mensonges auxquels nous avons eu droit, la corruption généralisée qui a gangrené toutes nos élites…. C’est parce que les cours de morale avaient disparu dans la scolarité de nos chères têtes blondes devenues grandes, soumises uniquement à la dictature de la rentabilité et faisant fi des principes philosophiques les plus élémentaires que notre monde est devenu ce qu’il est aujourd’hui.
Car après tout la morale est une notion philosophique qui implique une distinction entre le « bien » et le « mal » permettant de différencier les actions moralement satisfaisantes de celles moralement condamnables : c’est la justice qui est en jeu derrière la morale, et on voit bien où cela nous a mené : recevoir des dictateurs pour récupérer ensuite leur pétrole par la force, promettre « travailler plus pour gagner plus » et relever ensuite l’âge de départ à la retraite, laisser les Africains mourir de faim pendant qu’on sauvait les banques, c’est cela la politique sans la morale. Avec des cours de morale à l’école, ces comportements n’auraient pas pu être admis : « ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse », « ne vole pas ton prochain », « ne mens pas », tout cela c’est de la morale, et on ne peut que se satisfaire de voir les choses s’améliorer.
Mais ne blâmons pas trop vite nos dirigeants, ce n’est pas leur faute après tout : c’est bien l’idée de tous ces « gauchistes » de soixante-huitards attardés d’avoir voulu supprimer tout cela, et regardez maintenant où nous en sommes ! On imagine quelle peine doivent ressentir aujourd’hui les Luc Chatel et autres misérables victimes de l’éducation nationale de gauche… Mais aussi quelle force de caractère pour oser s’élever contre ces mauvaises habitudes ! … l’idéologie et le conditionnement vont pouvoir cesser enfin, et c’est toute la planète qui bénéficiera sans doute de ces formidables avancées : quand nos petits écoliers deviendront grands, ils auront cette fois été nourris à la morale dès le plus jeune âge, ce qui permet d’envisager le futur avec sérénité.
Cela dit, ces cours de morale à l’école sont peut-être dangereux pour les dirigeants actuels eux-mêmes, et je les mets alors en garde : car s’ils veulent continuer à régner sans partage sur le monde de demain, il se pourrait bien que cette foutue morale leur revienne par derrière la tête comme un boomerang. Car les moralistes étaient des philosophes qui pour la plupart prêchaient l’amour et le partage, l’égalité et la liberté.
Et si le capitalisme se fout pas mal de la morale, la morale ne se moquera pas du capitalisme : elle le combattra certainement.
Caleb Irri
6 juillet 2012 à 0:34
Cher Caleb ,
tu as certainement une très bonne idée en tête quand tu parles ainsi de la morale – je te livre quelques idées qui , si tu les partages peut-être , ne seront sans doute pas inutiles à quelques de nos concitoyens/ennes -
Je crois que la morale peut poser quelques bornes utiles – des sortes de repères – mais qui doivent pouvoir être dépassés si besoin – Il suffit d ‘ évoquer ce qu ‘ est la , parfois indispensable , désobéissance civile – sous peine de ne pas s ‘ apercevoir que la morale , comme les religions , peut être un opium du peuple -
Je suis instit , eh bien non , je ne mettrai pas en priorité de mes enseignements la morale pour les enfants à qui je dois apporter quelque chose , pas m^me l ‘ humanisme , mais simplement l ‘ humanité – Qui n ‘ a pas compris qu ‘ il n ‘ y a pas d ‘ existence possible sans l ‘ échange réciproque du désir et de l ‘ amour , est bien mal-barré dans l ‘ existence –
Alors quoi ? non ça n ‘ est pas quelque chose de vague et mystérieux quand ça n ‘ est pas de la morale : Ca s ‘ appelle simplement la culture -
Et la culture est fragile –
Elle est fragile quand les supports de la culture , les médias , sont aux mains de pouvoirs qui leur donnent tout leur appui pour favoriser LEUR culture -
Non , cette culture-là n ‘ est pas la nôtre – Pas plus que n ‘ est notre leur morale qui est la morale de leur république –
N ‘ oublions pas notre culture -
C ‘ est elle qui est la lumière et la chaleur de notre vie -
La lumière et la chaleur de nos combats aussi -
Notre culture qui n ‘ oublie pas les combats aussi –
Pauvre culture qui est bien mal en point !!
Bien cordialement ,
6 juillet 2012 à 8:20
Bonjour,
Si vous deviez choisir 3 choses à faire faire à vos élèves dans le cadre de votre enseignement pour favoriser la Culture que vous évoquez, quelles seraient ces 3 choses, CONCRETES?
6 juillet 2012 à 22:24
N ‘ attendons pas qu ‘ on nous donne des instructions officielles pour favoriser la culture dans l ‘ enseignement -
Il s ‘ agit de faire découvrir et pratiquer la culture comme un échange entre humains de nos sentiments de ce qui est bon , échange qui se passe en faisant sentir ce » bon » à l ‘ autre , et en accueillant son plaisir / son bonheur – Ça se passe sur le mode du don , du recevoir , du prendre ou du refuser – Avec ou sans désir ( dans son sens large ) , et toujours / le + possible / avec respect -
Je crois que ce sont les notions de base de la culture qui se construisent d ‘ abord , lors des premiers âges de l ‘ enfance , dans la gratuité –
Aussitôt apparaît l ‘ échange du travail et de la propriété –
La propriété c ‘ est le vol , disent les anarchistes ;sans doute celà est-il vrai dans bien des cas , mais il n ‘ y a au moins une simple notion de » territoire » – territoire qui peut m^me n ‘ être pas possédé , mais seulement » marqué » – un repère spatial et affectif pour le lieu que nous aimons -
Toujours est-il que nous travaillons , produisons et échangeons : la notion de gratuité s ‘ en éloigne-t-elle tant que ça ?
Pas si sûr . Ne s ‘ agit-il pas plutôt de l ‘ iniquité des échanges qui apparaît ?
Iniquité qui existe pourtant avant le travail , dans la relation humaine – ou pas -
Le sentiment de gratuité persiste , l ‘ envers de l ‘ injustice – Mieux , l ‘ abondance -
Je connais une femme très active qui n ‘ avait pas d ‘ enfants et donc disposait de beaucoup de temps pour organiser d ‘ interminables réunions de travail , ce qu ‘ elle faisait – Ce n ‘ était sans doute pas le meilleur moyen pour avoir des enfants . . .
Il est désormais de mode d ‘ essayer d ‘ avoir beaucoup d ‘ argent dans l ‘ espoir d ‘ être heureux – Il n ‘ est pas certain que ce soit la meilleure façon d ‘ y arriver -
Que la culture occidentale actuelle soit hors de prix , cela ne constitue qu ‘ une iniquité de + – Mais ne nous y trompons pas , il ne s ‘ agit que de la culture de l ‘ argent –
Un indien disait qu ‘ être humain c ‘ est savoir équilibrer l ‘ effroi d ‘ être vivant et l ‘émerveillement d ‘ être en vie -
Je crois que la culture , les autres et nous-m^mes , nous font conjurer cet effroi et nous donnent l ‘émerveillement de vivre – sans dieux ni argent -
C ‘ est un aspect de la culture parmi tant d ‘ autres ; les luttes sociales , le sourire dans les yeux de ma femme , tous les rires du monde , le lever de soleil sur la mer , le souffle du vent dans la nuit , . . .
Les enfants comprennent bien tout cela .
Bien cordialement .
7 juillet 2012 à 14:01
Ce que vous écrivez est bien intéressant et rempli d’humanité, mais, ne vous vexez pas, cela ne répond pas du tout à ma question :
Si vous deviez choisir 3 choses à faire faire à vos élèves dans le cadre de votre enseignement pour favoriser la Culture que vous évoquez, quelles seraient ces 3 choses, CONCRETES?
7 juillet 2012 à 15:41
Pour répondre un peu mieux à ta question je rajoute ceci :
enseigner la culture aux enfants , comme à quiconque , c ‘ est d ‘ abord çà : amorcer cet échange avec les autres , où l ‘ on reçoit , autant qu ‘ on donne – donner y est aussi essentiel – ce n ‘ est que dans cette communication que l ‘ on trouve sa place d ‘ être humain et d ‘ être dans la vie , dans l ‘ univers – Le patrimoine culturel que l ‘ on peut faire aussi découvrir n ‘ est presque que secondaire – L ‘ important est surtout de trouver , de » cultiver » ce qui est important pour soi , de prendre connaissance de ce qui est important pour l ‘ autre , de voir ainsi ce qu ‘ il y a de commun entre nous tous , de le savoir , de s ‘ en réjouir – Il ne peut s ‘ agir de babiolles – La valeur d ‘ une création culturelle n ‘ est que celle-là – Ce ne sera jamais aucune académie qui décrètera ce qui est bon – Alors , pour les enfants , il faut aborder la culture dans des
domaines qui les concerne – les sensibiliser à une culture qui soit la leur , une culture d ‘ enfants – m^me si ça nous paraît parfois incompréhensible – dans un rapport culturel pourtant spécifique , enfant/adulte – mais si nous ne reconnaissons pas et n ‘ encourageons pas leur mise en place dans leur culture enfantine , nous les éloignons d ‘ autant de ce qu ‘ est la vraie culture – Je précise qu ‘ il ne faut pas donner au mot culture un sens restrictif – Les sciences font partie de la culture – Les sports aussi – tout comme la politique , la cuisine
, le jardinage , la chanson , le jeu , . . . etc – La culture n ‘ est pas non plus une affaire de spécialistes ou de champions – Les performances des professionnels nous feront découvrir des dimensions de possibles mais ne nous feront pas
oublier la dimension infinie de tout le reste – Comme les mots que Frederico Fellini faisait dire à Anthony Quinn dans » La Strada » , qui montrait à la pauvre Gelsomina qu ‘ elle était aussi importante que n ‘ importe qui , comme les plus petits cailloux du chemin sont aussi beaux que les constellations resplendissantes dans la nuit – La culture n ‘ est que cela , mais toujours cela , ce chant et cette danse qui se répète inlassablement depuis les temps immémoriaux de l ‘ humanité , qui célèbre toujours , toujours avec de nouveaux accents , l ‘ amour , le bonheur , la liberté , les rires , l ‘ insouciance , le respect , la fierté , la beauté et l ‘ effroi de vivre – Choisissons plutôt la beauté , choisissons la culture plutôt que l ‘ ignorance -
Alors quelles sont ces 3 choses concrètes que je choisirais ? Pas 3 , mais des milliers – la vie n ‘ y suffirait pas – pour vu qu ‘ on y trouve : ce qui les concerne vraiment ( les enfants ) , ce qui concerne vraiment les autres ( les autres
enfants , les adultes , les vieillards , les handicapés comme les champions , la vie , le bio-système , l ‘ univers , la mort , … ) , avec respect , liberté , insouciance , accomplissement – Pas moins – Il faut être exigeant – ne pas se contenter d ‘ une vie de misère – ( ce n ‘ est pas parce qu ‘ on est pauvre qu ‘ il faut vivre misérablement ! ) – car nous n ‘ avons qu ‘ une vie – vivons-la à fond
!!! Bien cordialement -
6 juillet 2012 à 10:30
Cadeau pour les enfants Humains, un cd-rom merveilleux et si profond.
http://www.google.com/search?btnG=1&pws=0&q=murmurs+of+earth+torrent
8 juillet 2012 à 13:00
@ monde indien
Vous n’avez toujours pas répondu à ma question :-(
Au delà des discours aussi beaux soient ils, il y a l’action!
Si vous avez 30 jeunes de 10 ans disons et que vous avez 3 jours pour faire 3 choses afin de véhiculer la Culture, que feriez vous de CONCRET?
10 juillet 2012 à 13:49
tt à l ‘ heure impossible d ‘ éditer ma réponse à ta question sur cette page – je l ‘ ai donc fait dans les commentaires à » ce que les économistes ne nous disent pas » -