Pour qui roulent les politiques ?

Cela faisait quelques jours que je voulais écrire un papier sur la crise financière. La tension montait, les bourses chutaient, les résultats des fameux stress-tests allaient tomber, et des réunions importantes allaient se tenir… enfin des réponses, espérai-je secrètement, et après nous serons à quoi nous en tenir… et puis il y a eu le « pré-accord » entre l’Allemagne et la France d’abord, et ensuite la conférence de presse accordée par monsieur Sarkozy : les bourses remontaient, la Grèce allait être sauvée, tout le monde allait mettre la main à la pâte, enfin tout était arrangé.

 

Et puis aujourd’hui les commentaires sont plus mitigés. Quelques uns soupçonnent une entourloupe, d’autres y voient un compromis honorable, et certains le moyen de gagner du temps. Personne cependant ne croit réellement que la situation se soit arrangée outre mesure, car en définitive le problème structurel du système financier n’est pas réglé : l’Europe court droit à la récession généralisée, tandis que les principaux responsables de celle-ci s’en sortent plutôt bien.

Que conclure de tout ceci ?

 

Je ne vais pas commencer à décortiquer les annonces faites ni les chiffres promis, mais juste me contenter de rappeler ce qui ressort clairement de ce « sauvetage »assuré à la dernière minute : les Etats paieront, une fois encore, tandis que les plus grands organismes financiers n’y seront pas contraints. Comme si, une nouvelle fois, on avait sacrifié la justice sociale à la puissance de l’argent, et que le pouvoir politique avait cédé devant le chantage du pouvoir financier.

 

Comment est-ce possible ?

 

Il semblerait que les tergiversations européennes sur la conduite à tenir en cas de déclassement de la dette grecque n’étaient en réalité qu’une sorte de bluff destiné à opposer aux banques (qui ne veulent pas payer) la possibilité d’une explosion de la « zone euro » à travers le « lâchage » de la Grèce. Les bourses ont chuté, les notes de plusieurs pays ont baissé simultanément, et ceux qui ressemblent maintenant à deux camps opposés se sont précipité pour régler l’affaire : les politiques poussés par la réalité économique et sociale de leur Etat ne veulent pas risquer de mécontenter encore un peu plus un peuple déjà largement mis à contribution, tandis que les banques menacent de laisser s’écrouler l’Europe si elle ne leur permet pas d’assurer en son sein les bénéfices qu’elles désirent obtenir.

 

Tout ceci ne s’explique qu’à travers le prisme du « retournement du capitalisme« , retournement dont il faut comprendre les mécanismes pour éclairer les enjeux actuels. Le pouvoir financier a besoin, pour faire fructifier ses avoirs, d’une certaine stabilité économique et sociale, et ne se soucie guère de la manière dont elle est obtenue. Si la Chine ou la Libye veulent faire des affaires, il lui importe peu que leur régime soit démocratique, ou pas.

Or il devient peu à peu plus intéressant pour le monde financier de traiter avec ceux qu’on appelle les pays « émergents » qu’avec  ceux dits « développés », ces derniers voyant leur potentiel de croissance nettement inférieur à celui des premiers…

 

Mais le pouvoir politique a besoin du pouvoir financier pour pouvoir continuer d’une part à se maintenir au sein des « grands » de ce monde, et d’une autre pour faire repartir une croissance que leurs ressources naturelles ne leur permettent pas seules. C’est ce « retournement » qui se trouve en fait être à la base de ce qui se trouve être une crise certes mondiale, mais une crise du monde des « pays riches »: l’Asie, l’Amérique latine et l’Afrique ne semblent pas être si durement touchées (du moins par les problèmes de la dette).

 

Ce retournement est également à l’origine du déséquilibre qui a modifié les rapports entre le pouvoir politique et le pouvoir financier : autrefois interdépendants, ces deux mondes s’écartent peu à peu car leurs intérêts divergent de plus en plus : alors que le pouvoir politique est jugé sur des résultats concrets, visibles, physiques, sanctionné par des élections et dépendant de l’argent pour faire campagne, il doit faire face aux remontrances continuelles d’un peuple qu’on prend de plus en plus ouvertement pour un imbécile. En face, le pouvoir financier préférerait sans doute voir un peuple plus docile sous la coupe d’un pouvoir politique plus ferme, car la stabilité est en économie une source de confiance, de faibles coûts de crédits… et de bonnes notes de la part des agences chargée de les donner.

 

Ce qui place les gouvernants dans une situation plus qu’inconfortable : pris entre deux feux (le peuple qui désire plus de justice sociale et le pouvoir financier qui exige plus de rentabilité), ceux qui dirigent depuis plusieurs siècles la marche du monde ont donc dû faire un choix : celui des financiers, ou bien celui des peuples- et il semblerait que c’est bien le premier qui a été retenu.

 

Les gouvernants feront donc croire aux peuples que les mesures prises sont les seules capables de résoudre la crise, sachant pertinemment qu’elle se creusera encore d’ici à peu… (après les élections de 2012 ?) Cette crise va engendrer la disparition progressive de l’Etat social au profit de l’union proposée à cette occasion, union qui se fera autour du « couple » franco-allemand, et au détriment de la démocratie. En se soumettant aux volontés du pouvoir financier, le pouvoir politique espère ainsi créer les conditions d’une véritable révolution qui sera résolue par la fin de la démocratie. En laissant le champ libre aux banques et en faisant porter tout le poids de la crise aux citoyens, les politiques tentent une dernière fois de « profiter » (enfin comme dirait monsieur Sarkozy de « saisir l’occasion ») de ce qu’il leur reste de puissance pour mettre en place cette « gouvernance économique » dont ils disent aujourd’hui tout haut le nom (dixit Nicolas Sarkozy)… au détriment du peuple.

 

En choisissant de faire porter le poids de la crise aux peuples plutôt qu’aux banques, les gouvernants actuels ont exprimé leur soumission au pouvoir financier plutôt qu’aux désirs des peuples, marquant ainsi le mépris qu’ils entretiennent à leur égard. En préférant satisfaire les intérêts financiers plutôt que ceux du peuple, ils ont fait un choix clair et définitif. Cette gouvernance économique censée protéger l’Europe ne sera en réalité que le moyen de stabiliser la zone euro, pour le plus grand profit de financiers qui, autrement, sont prêts à déserter cette zone pour aller faire de l’argent ailleurs. Même si cette stabilisation se fait au prix de la disparition de la démocratie et de la justice sociale, les gouvernants voudront toujours sauver leur enviable position  au sein du concert des nations, et n’hésiteront sans doute pas à faire appel ensuite au meilleur cocktail qui soit pour faire revenir la croissance et asseoir à nouveau leur domination : la guerre.

 

Caleb Irri

http://calebirri.unblog.fr

7 Réponses à “Pour qui roulent les politiques ?”

  1. zelectron Dit :

    Proposition de loi de primauté.

    Préambule

    Force est de constater que la gauche n’a pas le monopole de la trahison. Les élus de tous bords sont faillibles quels que soient leurs intentions réelles ou supposées aux cours de leurs mandats respectifs. Du temps de la Grèce antique la démocratie directe a pu s’appliquer du fait qu’un petit nombre de citoyens constituait la république d’Athènes, aujourd’hui les moindres nations dites démocratiques et en particulier la française compte des millions, des dizaines voire des centaines de millions d’individus susceptibles d’aller aux urnes et ainsi voir diluer dans une cacophonie invraisemblable leurs volontés et décisions sans oublier le fait qu’il est impossible de tenir au courant de tous les faits et gestes des élus et de leurs attachés fonctionnaires ou non, les citoyens de tous horizons.

    Article 1
    Afin d’assurer tant que faire se peut la fidélité aux serments et professions de foi des uns et des autres il est décidé:

    – auprès de chaque élu, un certain nombre d’électeurs désignés par hasard sera chargé de la bonne application du mandat qui lui a été confié.
    (par exemple 25 électeurs pour un député ou un sénateur, 20 pour un conseiller général, 15 pour un mandat municipal)

    Article 2
    Les électeurs désignés veilleront par tous les moyens utiles et nécessaires à la bonne exécution des tâches de l’élu et en cas de manquements de ceux-ci pourront à la majorité simple le faire traduire devant les tribunaux, ceci après un ou plusieurs avertissements publiques.

    Article 3
    Ces électeurs seront indemnisés selon un barème voté par l’ensemble du collège électoral selon 5 propositions progressives ou degressives ( RSA + 25% + forfait pour frais de 250 €uros ou plus ou moins ? )

    Article 4
    Les préfets seront chargés de la bonne exécution de la présente loi.

    COMMENTAIRE
    Il y a assez de lois comme ça ! Rien qu’en appliquant correctement celles qui existent il y a un travail gigantesque à accomplir, allez, hop ! retroussons nos manches, assez parlé: action !

    Répondre

  2. logicos Dit :

    Si les pays émergents sont plus profitable, c’est souvent parce qu’il n’y a pas de protection sociale et des conditions de travail trés difficile.
    Lorsque le MEDEF, ou d’autres, prennent en exemple ces pays, il faut les dénoncer pour ce qu’ils sont: des anti-démocrate.
    C’est une critique grave mais juste: je n’entend personne a ce sujet.

    Aucun pays Démocratique n’ose plus dénoncer les conditions de vie en Chine.
    C’est fini. La Chine (mais on pourrait citer d’autres pays) est devenu un exemple à suivre: il n’y a plus de débat.

    Alors la question qui ce pose naturellement: comment devenir aussi performant ?
    Certains le disent sans rougir: ce mettre a leur niveau en renonçant a nos acquis… Aucune autre solution n’est proposé.

    Nous avons renoncé a croire que la Démocratie pouvait être un modèle de vie… nous sommes a 2 doigts de renoncer a la Démocratie tout court !

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