Quand le peuple a perdu jusqu’à la confiance en lui-même…

Cela fait maintenant presque trois semaines que j’ai lancé un nouveau blog, « la voie des peuples », censé attirer et rassembler les voix citoyennes autour d’un projet simple, à savoir l’obtention d’un référendum concernant la mise en place d’une nouvelle Assemblée Constituante, destinée à créer une nouvelle Constitution.

 

Je savais dès l’origine les difficultés d’aboutir à un tel projet, et à vrai dire je ne m’étonne pas du peu d’émules que mon blog à suscités jusqu’ici : la diffusion d’un blog dépend de sa visibilité sur le net, et la visibilité dépend elle-même de la diffusion du blog. Cela peut paraître insoluble en théorie, mais la pratique ne s’en contente heureusement jamais !
Cependant il y a une chose dont je n’avais pas pris la mesure, à savoir les réactions à ce projet qui, loin de susciter l’approbation que j’attendais naïvement, attire au contraire les moqueries, le mépris ou l’indifférence. Ce n’est pas je crois l’idée en elle-même qui déplaît, mais plutôt le scepticisme et le défaitisme ambiants qui, dans la grande majorité des cas, l’emporte sur le réalisme supposé de l’action proposée : en effet, l’idée d’appeler presque 5 millions de personnes à se prononcer sur un blog rend compte du problème de comportement des masses, qui se trouve être théorisé en psychologie des foules par une relation mathématique complexe et contradictoire, à savoir qu’il existe un seuil, invisible, de retournement de l’opinion. En dessous d’un certain nombre (élevé) de participants à une action, un mouvement s’appuyant sur les masses n’a aucune chance de se développer ; mais s’il dépasse un certain seuil critique, alors tous ceux qui n’osaient pas se joindre au mouvement de peur de se voir minoritaires s’y rassemblent, sans qu’il n’y ait d’autre logique comportementale que celle du nombre, qui naturellement appelle la force.

 

C’est comme avec l’histoire du Bankrun, qui récemment a réussi à donner un bel exemple des possibilités offertes par internet, et par là même du seuil de retournement de l’opinion : au départ simple engagement citoyen lancé en forme de défi, le site ayant répercuté et transformé l’idée de Cantona en appel à l’action concrète s’est développé en à peine un mois et, dans les quelques jours précédant la date prévue, a réussi à engranger plus de 300 000 visites en très peu de temps. Le phénomène de « buzz » a fonctionné de la même manière que tous les autres mouvements : au départ méprisé et moqué, ce projet fut médiatisé en même temps que sa crédibilité augmentait, et sa crédibilité augmentait de par sa médiatisation : plus il y avait de visites, plus il y avait de visites.

 

Avec « la voie des peuples », le problème de sa diffusion est similaire, et les critiques qui en sont faites s’éteindraient d’elles-mêmes si le mouvement s’inversait : car les réticences d’aujourd’hui sont « l’opinion générale », alors qu’elles s’annihileraient d’elles-mêmes si « l’opinion générale » s’inversait. Ceux qui imaginent qu’un tel projet est voué à l’échec parce qu’il ne sera pas diffusé ne vont pas le diffuser, et ceux qui pensent que les gouvernants ne seront pas sensibles à la force du nombre ne créeront pas la force de ce nombre. Ceux qui croient impossible de vaincre les résistances d’une démocratie truquée l’affaiblissent encore, et ceux qui ne font pas confiance en la raison populaire ne lui donnent aucune chance de la voir se développer.

 

Car en réalité, l’ensemble des critiques qui me sont adressées sont les mêmes que celles adressées aux autres propositions, et proviennent en général de personnes dont les opinions sont « proches » de celles critiquées. Cela tourne autour des « yaka faut kon », des « ça n’intéresse personne », ou encore des « ça ne marchera jamais » et « ils sont trop forts ». Mais le fait est que ces critiques sont en réalité le symptôme de la même maladie, c’est à dire le manque de confiance accordée au peuple. Le problème semble devoir se poser ainsi : le peuple est trop stupide pour voter correctement, car il est conditionné à devenir stupide et servile depuis son enfance. Par conséquent, le faire participer à la « chose publique » revient à se soumettre aux volontés gouvernementales qui entretiennent l’incapacité de jugement de leur population. Il ne sert donc à rien de l’écouter, car il finira par voter comme en Suisse !

 

Pour ces critiques, une révolution populaire ne serait valable qu’au cas où la population serait déjà « éduquée », « déconditionnée » (ou conditionnée autrement ?) pour voter « bien ». Ce qui est impossible sans révolution préalable de l’éducation. On tourne en rond, on se mord la queue.

 

Mais cette manière de penser est bel et bien le seul frein à tout changement, et fait en plus le jeu de ceux qui veulent nous faire croire que rien ne peut changer. En effet comment espérer un quelconque changement si personne ne commence ? Comment croire en la démocratie sans croire en la capacité du peuple à se libérer de ses chaînes par lui-même ?

 

Il faut bien voir pourtant que les mensonges et les duperies de nos gouvernants sont chaque jour un peu plus perceptibles, et que le « pouvoir d’achat » est une donnée fiable qu’on ne saurait indéfiniment truquer : au bout d’un moment, nous finissons bien par nous apercevoir que le compte n’y est pas.

Et quand nous voyons que trois millions de personnes sont capables de se rendre dans la rue, alors que personne n’y croyait vraiment, alors pourquoi le double ne se rendrait-il pas sur internet ? Vous pensez que tout cela ne sert à rien ? Mais que se serait-il passé si le mouvement de grève avait perduré, ou que le nombre de participants ait été plus grand ? Que se serait-il passé si tous avaient retiré leur argent de la banque au même moment ?

Personne bien sûr ne le sait, mais tout le monde en revanche devrait savoir ceci : c’est le défaitisme de ceux qui n’y croient pas qui engendre l’échec, et non pas l’échec qui engendre le défaitisme.

 

Sans la confiance du peuple en lui-même, rien ne sera effectivement possible. Je ne sais pas comment la lui rendre autrement qu’en la testant nous-mêmes, individuellement confiant en la collectivité, et peut-être qu’à force d’auto-persuasion la limite numéraire que j’évoquais plus haut pourra être dépassée. Si par exemple ceux dont la volonté est plus grande que la peur, ou l’optimisme plus grand que le fatalisme, ne transmettaient le message ne serait-ce qu’à dix personnes de leur entourage qui en feraient de même, alors nous pourrions aller plus loin que les stupides messages promettant un bonheur « magique » ou une « bonne santé » surnaturelle. Car si la peur engendre le mal, la confiance peut l’anéantir. Ne faisons pas l’erreur de nous laisser aller à la peur, et sachons reprendre confiance. Nous avons jusqu’en 2012 pour cela.

 

Caleb Irri

http://calebirri.unblog.fr

http://lavoiedespeuples.unblog.fr

6 Réponses à “Quand le peuple a perdu jusqu’à la confiance en lui-même…”

  1. ahçaira Dit :

    Bon, admettons, vous avez le semoir, où est la graine ?
    Je suis allé sur « La voix des peuples » : votre proposition est un chèque en blanc aux parlementaires, car le contenu de la nouvelle « constitution » appelée de vos voeux est quasiment vide… Et je ne donne pas de chèque en blanc…
    Et ces parlementaires, au fait, n’ont-ils pas trahis le peuple quand ils se sont permis dans leur quasi majorité de voter au Congrès de Versailles pour un traité européen qu’avait rejeté le peuple en 2005, je nomme le TCE ou Traité constitutionnel européen ?
    Si vous voulez passer par la voix parlementaire, il conviendra déjà, lors des prochaines législatives, de ne pas réélire tous les traîtres qui ont tiré dans le dos du peuple à l’UMP, au Nouveau centre, au Modem, aux radicaux de gauche, au PS, etc. !
    Évitez de nous balader… Regardez la réalité en face !

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  2. calebirri Dit :

    @ Ahçaira

    bonjour,

    a vrai dire tout cela n’est pas vraiment exact. Le principe n’est pas de laisser les parlementaires décider d’une nouvelle constitution, mais d’exiger d’eux un positionnement clair indiquant (ou pas) leur attachement aux valeurs démocratiques dont le référendum est un des symboles.

    Pour ce qui est de la constitution, il est vrai que je n’ai pas encore eu le temps d’exprimer sur « lavoiedespeuples » mes propres propositions, mais c’est qu’aussi ce blog n’a pas vocation à promouvoir mes opinions personnelles. J’ai déjà écris sur mon blog pas mal de choses concernant mon point de vue, et vous pouvez les consulter à la rubrique « un nouveau système ».

    Peut-être serait-il temps que j’en fasse un récapitulatif, mais le temps n’est pas mon premier luxe ! cela dit, je compte bien faire quelques propositions sur la manière d’organiser un tel référendum, avec ou sans l’approbation de nos « élites ».

    sinon, vous pouvez aller voir le travail d’Etienne Chouard sur le Plan C, en lien sur ce blog. C’est ce que j’y ai vu de plus abouti pour l’instant.

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  3. Basilic22 Dit :

    Je crois que je suis assez proche de vos positions mais actuellement, se pose la question d’organiser une situation de double pouvoir, de double économie pour mettre à poil tous ceux qui nous mènent en bateau depuis des lustres, y compris les directions traditionnelles du mouvement ouvrier.
    ce qu’il faut c’est effectivement tout construire, à côté pour les vider… je ne suis pas allée sur le site de la voie du peuple, mais j’y vais de ce pas…

    Bettina
    ex Bric à brac baroque, fermé pour cause d’écriture provisoirement…

    Dernière publication sur FICTIONS et FRICTIONS : Bruxelles ciblée, Bruxelle brisée, Bruxelles martyrisée...

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  4. Basilic22 Dit :

    Je viens de faire un tour sur le nouveau blog…
    Je crois que ce qui ne va pas dans votre position c’est que vous demandez à ces parlementaires qui nous trahissent de construire un nouveau projet de constitution, alors qu’on sait que ce qu’ils veulent absolument, c’est conserver le cadre capitaliste de notre exploitation.
    ce dont nous avons besoin c’est d’abord d’abattre le capitalisme en construisant une situation de double pouvoir, et nous n’en sommes pas loin objectivement, mais je suis persuadée que rien ne procède vraiment de notre volonté, ni de notre défaitisme, mais des conditions d’existence des gens eux-mêmes. Soyons plus marxistes, et nous saurons que la situation risque d’évoluer assez vite. Le seul souci est d’être assez organisés ce jour-là (et cela pose donc la question de l’organisation des forces révolutionnaires) pour imposer un système plus juste. Nous compterons à cet instant là les bonnes volontés, dont vous serez sans doute si j’en juge par vos billets.
    J’espère y être aussi bien que le temps passe inexorablement, mais je me sens bien des capacités à prendre les manettes s’il le faut et tout organiser dans mon secteur. Nous serons nombreux ce jour-là je pense car l’intelligence doit gagner, c’est la seule vérité qui soit.
    La victoire décuple les capacités…
    ce jour viendra nécessairement, je le pense profondément, c’est ce qui me pousse à écrire et laisser des traces.
    Les gens sont beaucoup moins bêtes que les dirigeants le pensent.
    C’est aussi une vérité imparable, contre laquelle le capital se bat pour toujours garder la main. Le nombre nous sert, mais il nous dessert aussi lorsque nous devons réagir. La masse est plus longue à bouger, contrairement à l’élite qui procède rapidement et en réseaux.
    Peut-être que tout passera par les réseaux sociaux… c’est possible . Allez sur Fac-book ou sur Twitter, vous aurez peut-être plus de chance de faire boule de neige.

    Dernière publication sur FICTIONS et FRICTIONS : Bruxelles ciblée, Bruxelle brisée, Bruxelles martyrisée...

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  5. Ramdam1984 Dit :

    Bonjour Caleb.

    J’ai téléchargé le questionnaire et l’ai rempli.
    Et où te l’envoie t’on ?

    Merci.
    Cordialement.

    Ram.

    Répondre

  6. calebirri Dit :

    @ Ramdam 1984

    bonjour, et merci pour votre réactivité. vous pouvez me l’envoyer à calebirri@hotmail.fr.

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