monsieur,
c’est avec un très grand plaisir que j’ai lu votre dernier article, dans lequel vous réussissez à sortir de l’analyse pour passer à la proposition. En effet, j’imagine que votre position n’était plus vraiment tenable, et il était évident qu’à force d’étudier les incohérences du « règlement » de cette crise vous tomberiez sur votre vérité, que vous avez enfin proposé à la lecture publique… je vous en remercie.
Je voudrais vous faire part de mon avis sur ces propositions, qui bien qu’insignifiant, compte beaucoup pour moi!
Tout d’abord, je dois dire que je suis totalement abasourdi par votre point numéro1, qui inscrit le partage au dessus de la propriété… c’est un idéal qui m’est cher. Cependant, je ne trouve pas forcément de contradiction entre la propriété et le partage, au moins dans un cadre précis : celui de l’opulence. En effet, l’opulence peut permettre à ces deux notions d’exister conjointement : l’opulence permet le partage comme règle générale, tandis que les différences naturelles qui existent entre les hommes lui font désirer la propriété ; mais l’opulence permet de la valoriser autrement que par un moyen d’échange. Dans ce cadre ce qui est de valeur pour l’un ne l’est pas forcément pour l’autre, et en réalité sans correspondance financière la valeur n’est que ressentie : comme le doudou d’un enfant, pourtant identique à des milliers d’autres, qui ne se confondra jamais avec les autres milliers.
Au sujet de votre deuxième point, je suis là aussi tout à fait d’accord avec votre vision du travail. Compte tenu des avancées techniques existantes, et à venir, il est fortement plausible qu’en divisant mieux nous soyons en capacité de travailler moins, moins longtemps et mieux. La technologie pourrait nous permettre de nous séparer de certaines tâches pénibles, mais il faut à mon avis pour cela faire une chose que vous ne semblez pas prêt à accepter : se séparer de l’argent. D’une part parce qu’en de nombreux cas l’avancée technique est conditionnée par la rentabilité (on connaît la technologie mais l’appliquer ferait trop de dégâts sur l’emploi), et d’une autre que la concurrence économique corrélée à la nécessité de sauvegarder l’emploi pousse à la délocalisation, la baisse des salaires, l’exploitation. La « bolsa familia » est peut-être une bonne technique dans le cadre du capitalisme, mais elle nuit au caractère volontaire de la conception du travail, qui ne doit pas être contraint mais désiré. Le paternalisme est infantilisant, alors que l’éducation doit élever, libérer, rendre indépendant.
Pour le troisième point, pourquoi ne pas aller plus loin ? À partir du moment où est accepté le partage des ressources, il peut être considéré que le capitalisme n’a plus de raison d’être. Chacun se trouvant en droit de réclamer le minimum vital, on se trouverait vite en position d’affamer les besoins de dividendes de nos affameurs, et de faire ainsi cesser la course au profits, course qui accapare et détruit ces ressources. En agissant ainsi, en supprimant l’argent, nous supprimerons aussi la surexploitation, la surproduction et la surconsommation : notre lot minimum se trouvera donc à terme augmenté car notre planète mieux protégée.
C’est au quatrième point que votre raisonnement se trouve en contradiction avec votre volonté : il n’est pas possible de tenir compte des besoins de la société dans le cadre du capitalisme, car c’est lui qui les crée. D’ailleurs, vous employez vous-mêmes ici le terme « échange » et non plus celui de « partage ». s’il faut faire correspondre les besoins avec les ressources, ce n’est pas par l’échange qu’il est possible de le faire, car cela implique une valeur fixée pour l’effectuer : et donc une loi de marché, la concurrence, le bénéfice, la rareté, l’obsolescence des produits, enfin l’injustice actuelle.
Pour finir, votre dernier point exprime votre volonté de démocratie, qui ne peut effectivement s’atteindre par « l’auto-organisation », c’est à dire le contraire du régime actuel qui organise pour nous ce qu’il croit (ou veut nous faire croire) bon de faire. Cette sorte de démocratie que vous semblez appeler de vos vœux est aujourd’hui possible, car les techniques actuelles permettent de toucher tous les individus de cette planète en un instant, et de leur indiquer à la fois les besoins dans leur globalité, et les ressources disponibles. Ce n’est plus de pouvoir qu’il s’agit donc, mais effectivement d’organisation. Mais le fait que ces potentialités ne soient pas mises en oeuvre est, là aussi, le résultat du capitalisme : le jour où les technologies seront accessibles à tous, où les ressources seront partagées au lieu d’être échangées, où la valeur ne sera plus extrinsèque mais intrinsèque, nous n’aurons plus besoin d’un pouvoir pour nous exploiter, mais nous saurons bien nous organiser nous-mêmes.
Caleb Irri
http://calebirri.unblog.fr
25 août 2010 à 17:36
Un lien
http://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/democratiser-la-monnaie-80183#forum2664111