Toute cette histoire est vraiment bien montée : en pleine crise du capitalisme, et alors que tous nos dirigeants s’évertuent à faire comme s’ils n’y pouvaient rien, ressurgit par la petite porte- de la part même de ceux qui devraient y être farouchement opposés -une vieille idée en son temps défendue par un homme que le capitalisme était loin d’effrayer. Cette idée, c’est le bancor, qui n’est rien moins qu’une proposition de monsieur Keynes datant des années 40 , et remise au goût du jour presque subrepticement, comme une sorte de « dissidence économique » qu’il faut chuchoter d’abord, pour ne pas trop effrayer nos dirigeants.
Pourtant, cette idée fait son chemin, semble-t-il, parmi ces mêmes dirigeants qu’elle est censée effrayer. Certains seront tentés d’y voir la juste récompense de leur constance à la proposer, et d’autres applaudiront face à ce qui leur paraîtra comme un sain retour de conscience politique de la part de nos économistes chevronnés (ceux qui nous ont conduit à la crise). Cette situation serait risible si les soi-disants « dissidents économiques » en faveur de ce bancor ne commettaient pas cette monumentale erreur « de bonne foi », trompés qu’ils sont par un pouvoir qui les dépasse, et qui se joue d’eux. Car en effet, si l’on suit l’évolution de cette crise depuis son commencement, on s’aperçoit que nos dirigeants (qu’ils soient politiques ou financiers) ne s’y seraient pas pris autrement s’ils avaient voulu en arriver là. Sauf que bien entendu, cette fumeuse proposition ne serait jamais passée alors… tandis que, le dos au mur, même les opposants à la politique de nos gouvernants s’y rangent d’eux-mêmes, voire la plébiscitent.
Mais avant d’aller plus loin, il faut quand même s’arrêter un instant sur ce bancor : une chambre de compensation géante (comme Clearstream mais en mondial), et une monnaie internationale rattachant à elle toutes les autres devises.
Cette proposition est donc la possibilité de réaliser le rêve absolu de nos élites : une gouvernance mondiale, conservant la mainmise sur toutes les activités économiques des pays y étant affiliés, avec une transparence au moins égale à celle pratiquée par Clearstream, et (dernier point non négligeable) de se débarrasser d’un seul coup de toutes les dettes contractées. Et tout cela bien sûr après avoir extorqué (et légalisé) tous les reculs économiques et sociaux exigés des peuples pendant la crise.
Prenons la gouvernance mondiale tout d’abord. Nous le savons assez bien aujourd’hui, celui qui contrôle la monnaie contrôle et les hommes, et les choses. En établissant une monnaie-référence commune à tous (comme l’or d’abord et le dollar ensuite), celui qui possédera le pouvoir de contrôler son émission (et sa parité) aura aussi celui de s’offrir la possibilité de juger des importations et des exportations, des politiques intérieures nationales, des productions, des salaires, tout cela à travers les puissants moyens de pression permis par cet organisme. Comme on l’imagine, les participants à l’établissement d’une telle monnaie seront sous la coupe des Etats-Unis, qui conserveront, et étendront ainsi leur hégémonie sur les autres nations.
Ensuite, et à propos de la chambre de compensation, il apparaît qu’elle est le moyen le plus sûr de favoriser l’opacité des échanges ( seules les entrées et sorties sont publiées), ainsi que de surveiller tous les échanges réalisés de part le monde (toutes les transactions passeront en un même lieu). Toute activité suspecte sera ostensiblement tracée, et permettra à ceux qui dirigent cet organisme non pas de faire cesser le terrorisme (ils ne sont pas si bêtes), mais de surveiller les comportements futurs qui pourraient, voudraient nuire au nouvel ordre établi.
Enfin, il serait aisé, à cette occasion, de résoudre le problème majeur engendré par les paradoxes du capitalisme : la relation sino-américaine. En mettant en place ce bancor, les liens de dépendance mutuelle qu’entretiennent les Etats-Unis et la Chine (ainsi que les tensions qu’ils provoquent) pourraient forts bien être dénoués. Que ce soit pour une alliance ou pour un affrontement, les centaines de milliards de dollars en jeu entre ces deux pays pourraient rapidement s’évaporer à travers cette fameuse chambre de compensation, ou se noyer dans la nouvelle monnaie…
Parmi les partisans de la mise en oeuvre de ce bancor, ceux qui croient en une véritable opportunité de changement positif, imaginent déjà les améliorations à apporter à ce système, sans se rendre compte qu’elles n’auront jamais la moindre chance d’être adoptées : elles seront alors bien inutiles. Car en établissant la gouvernance économique mondiale, nos dirigeants s’apprêtent non pas à rétablir un capitalisme plus « moralisé » ni plus stable, mais tout simplement à créer les conditions d’une prise de pouvoir totale sur toutes les populations dépendantes de cette alliance économique et politique. Une fois ces conditions réunies (la soumission des peuples, le traçage continu de leurs moindres faits et gestes, le pouvoir d’un très petit nombre d’individus sur un territoire immense), la monnaie deviendra bien vite inutile. Quand l’oppression sera telle que travailler ne sera plus un droit mais un devoir, quand nous ne pourrons aller et venir que sur autorisation, quand notre consentement ne sera plus demandé, alors l’argent aura disparu.
Alors défendre le capitalisme ou le faire mourir, voilà le seul choix qui nous est proposé ? mais ces deux possibilités conduisent au même point, la concentration des pouvoirs en un très petit nombre de mains, et l’asservissement des peuples. Beaucoup se demandent pourquoi il n’y a pas d’autres choix ? La réponse est pourtant simple : c’est parce qu’au lieu de décider nous-mêmes, nous préférons attendre qu’on nous propose… c’est moins fatiguant, non ?
Caleb Irri
http://www.calebirri.unblog.fr
8 mai 2010 à 12:15
Excellente analyse Caleb, merci pour cet article.
Paul Jorion a une bonne analyse de la situation parfois, mais il est enfermé dans la science économique et ne fait que réagir « par elle ». C’est en cela qu’il se trompe. La technique économique ne peut plus rien, la solution est dans une insurrection de remise en cause de la gouvernance, tout-a-fait d’accord. Car tout est en effet affaire de gouvernance. Et de sursaut du peuple…
Peut-être est-il bon ici de présenter le nouveau Bretton Woods comme alternative, meme si les conditions politiques n’en sont pas réunies : c’est a mon sens ce que le peuple doit s’approprier et exiger. Je souhaite ici renvoyer a un ancien article de Solidarité et Progrès qui instancie de façon éclairée votre développement.
http://www.solidariteetprogres.org/article4520.html
Cordialement,
11 mai 2010 à 12:42
Vraiment je me répète mais que ce blog est rafraichissant.
Bravo Caleb !
Ce BANCOR va être le moyen définitif de tout fagocyter. Et on reconnaît la hardiesse et l’habileté des maîtres de ce monde. Le fameux processus problème, réaction, solution marche à plein. on provoque la merde, on créé et on attend la panique et ensuite on propose une solution clé en main forcément au détriment des populations. Celles ci toutes contentes qu’on leur dise qu’il existe une solution à tous les maux qu’ils pensent avoir (étonnant cette capacité à la culpabilisation à outrance) applaudissent des 2 mains ou tout au moins sont satisfaites de voir le péril reculer.
Diabolique, euh pardon satanique… ;-))
30 mai 2010 à 12:05
Ne prendrais tu pas le problème à l’envers, Caleb ?
Tout d’abord, félicitations pour ce blog que je découvre et dont la table des matières me parait extrêmement pertinente.
La question que tu soulèves ici l’est évidemment aussi. Mais je crois qu’il y a certaines confusions, qui apparaitront si on détaille bien le mécanisme en question et surtout, si l’on essaie de concevoir parallèlement ce que serait, au niveau national, un véritable système non capitaliste. Je vais m’en expliquer patiemment, ce qui me permettra d’exposer plus largement ma conception d’un système monétaire non capitaliste.
Pour moi, un système national non capitaliste ne peut être obtenu sans poser quelques conditions de base, dont l’une consisterait, en un mot, à parquer les véhicules de l’épargne. Concrètement, cela signifie qu’un actif financier, quel qu’il soit, soit nominatif et non cessible. En pratique, cela implique que toute l’épargne des ressortissants qui ne serait pas portée dans la détention de biens réels serait convertie en dépôts bancaires hébergés dans un système de banques nationalisées, couverts intégralement en monnaie-banque-centrale et ne donnant lieu à aucun intérêt privé. Le principe de l’intérêt sur les crédits est conservé mais le produit en revient entièrement à l’État et l’intérêt devient alors une « arme » politique tout à fait similaire à l’impôt.
Chacun aurait le droit de décider — individuellement (hors de question d’avoir des fonds privés qui placent l’épargne pour le compte de tiers) — que tout ou partie de son épargne soit utilisée pour prêter à telle ou telle entreprise, exactement comme chacun pourrait prêter sa maison ou ses terrains à sa famille, à des amis ou à des tiers, le tout étant :
- que ces prêts ne donnent lieu à aucun intérêt, dividende, loyer, bref, à aucune rente. En cas d’émissions d’actions, celles-ci ne pourraient être détenues que par des travailleurs de l’entreprise, le temps qu’ils travaillent dans l’entreprise et elles ne pourraient être cédées qu’à d’autres travailleurs de l’entreprise. Ainsi, on aura une forme de revenu assimilable à un salaire — puisque on interdit que ce véhicule d’épargne, comme les autres, suscite un intérêt. Autant l’abolir et laisser les intéressés (les aspirants propriétaires) passer par un système « obligataire », de prêt (sans intérêt) via leur compte en banque. Faisons remarquer au passage qu’ainsi, toute forme de propriété est étroitement liée à une propriété d’usage (je passe, ici, sur cette intéressante question) ;
- surtout, pour ce qui nous intéresse ici, que les titres ne soit pas cessibles. En pratique, le plus simple est qu’ils soient hébergés et que les prêts passent par le système de banques nationalisées. J’abrège.
En rendant ainsi impossible la liquidité financière, les opérations financières anonymes, en abolissant ainsi les marchés financiers, une conséquence est qu’on interdit à toute personne ressortissante, physique ou « morale » (*), de réaliser directement toute transaction financière avec l’étranger. Au passage, la question des paradis fiscaux est vite réglée. L’auteur souligne le problème de l’opacité, mais là encore, il faut voir si on ne prend pas le problème à l’envers.
Mais il y a bien plus : il sera ainsi très facile de mettre en place des mesures relevant d’un protectionnisme universaliste. Je parle ici avec les mots du M’PEP, dont je suis membre, mais j’ai pleinement adopté ce concept-là et je voudrais souligner que cette notion est fondamentalement liée à celle des lois au sens véritable, à un état de droit mis en œuvre dans un cadre national, reposant sur le principe d’égale liberté et d’égalité en droit des personnes physiques. (**) Un exemple de ce qui pourrait être fait et qui constituerait un véritable « miracle fiscal » : calculer, dans chaque entreprise de la chaîne client-fournisseur, l’écart-type des salaires (rapporté à la moyenne) et appliquer le résultat comme un facteur qui viendra pondérer tous les types d’impôts et taxes sur l’entreprise (dans le cas d’une éventuelle TVA, il faudra « découper » les parts de VA associés à chaque fournisseur). Ce nouveau principe général de pondération fiscale sur les entreprises serait évidemment à étendre aux taux d’intérêts : les échéances payées par les entreprises seraient assorties « en temps réel » d’un taux d’intérêt pondéré de la même manière. Ce même principe fiscal appliqué aux entreprises agissant sur le territoire national, principe frappant directement les pratiques inégalitaires, serait étendu aux fournisseurs et aux exportateurs directs étrangers. Dans ce cas (pour d’évidentes raisons pratiques, et en accord, si je puis m’exprimer ainsi, avec les nécessités de la souveraineté nationale) il faudrait plutôt considérer une « note » (un facteur) par pays, en mesurant la part générale des bénéfices des entreprises qui est versée en dividendes aux actionnaires.
Oui, je parle de « socialisme dans un seul pays… », fameuse et vieille question qui nous ramène directement au sujet de cette discussion. Et à ce que qu’il adviendrait, dans « mon » système, des investissements directs réalisés à l’étranger par des citoyens ressortissants, de même qu’aux paiements effectués à l’étranger par les entreprises domiciliées (en France).
Puisque ces flux transiteront entièrement par le système de banques nationales (englobant la banque centrale), et puisque les « véhicules non monétaires de l’épargne » auront tous étés « parqués » (les autres, tels les biens immobiliers, n’étant au moins pas liquides au point de pouvoir voyager à l’étranger… — quant à leurs tires de propriété, je l’ai dit, ils devront également être « parqués » dans le système bancaire national et rendus nominatifs, autrement dit, inscrits sur le compte en banque des intéressés), il devient très simple d’établir une coupure entre : d’une part, la monnaie nationale, qui ne circulerait plus que dans le pays, entre les mains des ressortissants ; d’autre part, une autre monnaie servant exclusivement aux règlements internationaux.
Je ferais observer que, jusque là, aucun gouvernement mondial et même aucun système monétaire international n’a été convoqué. A ce stade, la monnaie d’échange pourrait être n’importe quoi, une monnaie bis du pays (française), le dollar ou autre monnaie d’autres pays, ou le bancor. Je ferais observer ensuite que cela tient peut-être justement au fait que ce système de « centralisation », de « compensation » (les termes sont mal choisis ici, en fait, mais passons) est déjà mis en place au plan national.
Je ferais observer encore, dans la foulée, qu’il en existe déjà un, de gendarme totalitaire mondial, en la personne des marchés financiers, de ses grandes banques privées contrôlant la monnaie et autre fonds spéculatifs concentrant un tel pouvoir de marché qu’ils déterminent déjà eux mêmes les politiques monétaires — et ainsi, et à terme, les politiques tout court — des États. Ce n’est pas une fiction ou un délire, chacun sait ça. Et j’ajoute que cela tient déjà essentiellement à des décisions nationales concertées. Comme lorsque l’Allemagne, pour « protéger la planche à billets » lorsqu’elle a accepté l’euro, a imposé d’étendre la règle de libre-circulation totale des capitaux aux échanges entre États-membres de l’UE et tous les autres pays.
Souveraineté (nationale) disais-je : avant d’imaginer des horreurs concernant l’usage du bancor — je suis bien d’accord avec l’auteur sur ce point : très souvent (le diable est dans les détails) un instrument est accepté largement parce qu’il est potentiellement bon et il s’avère que les puissants le détournent (ainsi en particulier du FMI, de la BIRD, …) — et avant de réduire la « banque globale » à un système de compensation, souvenons-nous quand-même de ce qu’était avant tout le système de Bretton Woods : un système de parités fixes mais ajustables, avec un ajustement réalisé (par dévaluation, très généralement) souverainement, par chaque État. Avec, derrière ça, l’objectif d’équilibre à moyen terme de la balance des paiements (c’était l’objectif de la Charte de la Havane de 1948, qui devait fonder l’Organisation Internationale (non pas Mondiale) du commerce). Bien sûr, il fallait que chaque État tienne compte des réalités de son économie interne, mais cela ne change rien à cette conclusion : c’était un système fondamentalement basé sur le principe de la souveraineté nationale, un système intergouvernemental et non pas mondial. Cela n’a pas empêché d’avoir un système de monnaie commune. Et en définitive, un bon système, le meilleur qu’on ait eu. La question du dollar (d’une monnaie qui soit à la fois monnaie nationale et monnaie de réserve mondiale) est une chose, et un vaste problème, mais ne mélangeons pas les questions, et d’ailleurs, l’alternative bancor porte sur cet autre aspect de la question. Rien n’interdit, pour le reste, de garder ce qu’était le système de Bretton Woods.
(*) C’est l’un des arguments majeurs pour exiger qu’il n’y ait plus de banques privée. Il y en a un autre, tout aussi fondamental, et qui découle du problème suivant : comme on le sait, le système monétaire et de crédit actuel ne créée pas, au fur et à mesure, la monnaie nécessaire pour payer les intérêts associés à la création monétaire. D’où une tension déflationniste permanente (qui nous ramène sans cesse vers la situation « historique » d’un régime où la monnaie serait à 100% métallique) et la nécessité de créer toujours plus de nouvelle monnaie, dont le prêt donnera encore lieu à des intérêts privés, etc, et ainsi de manière exponentielle. D’où la nécessité d’une croissance « à tout prix » de l’économie réelle ou, ce qui n’est pas mieux et revient d’ailleurs au même problème, tôt ou tard, l’explosion de l’épargne via les produits financiers, en volume et en nombre croissant exponentiellement.
Du moins, c’est ce qui se passe (c’est toujours très largement le cas, en pratique) quand le produit de l’intérêt privé associé à la création monétaire par le système bancaire n’est pas rapidement remis en circulation par le biais d’une consommation — en cas de placements, même productifs, le problème n’est pas résolu puisque on va reproduire, simplement déplacer, la pompe à intérêt privé. La seule manière de lever le problème (si on passe sur l’injustice sociale) serait d’imposer aux rentiers de consommer toute cette épargne chaque fois que les intérêts rentrent, ou bien de l’imposer à 100% (pas moins), ce qui ne tient pas debout si on considère par ailleurs que cet argent leur appartient. Seule solution, au final, nationaliser la création monétaire. Et même, nationaliser les banques, purement et simplement : en effet, les banques privées seraient toujours tentées et pourraient toujours détourner une partie du produit sous forme de salaires masqués : il faut donc que les personnels des banques soient des fonctionnaires.
(**) Je ne m’étendrais pas ici sur cet aspect qui me parait absolument fondamental, dans le tableau d’ensemble d’une économie non capitaliste, mais il est vital d’abolir le principe d’égalité des entreprises qui a été érigé au plus haut niveau du droit (UE, OMC). « Concurrence libre et non faussée », en français courant, signifie très exactement : « les entreprises sont libres et égales en droit » ; « libéralisation » ou « libre-échange » signifie précisément : « il est interdit d’interdire… aux entreprises ». Etc. La « personnalité morale » est à abolir d’urgence. Elle est évidemment incompatible avec l’égalité en droits et l’égale liberté des personnes physiques, elle tue lentement et discrètement les droits fondamentaux.
28 juillet 2010 à 18:11
bonjour a tous
je en admiration devant votre détermination vouloir un monde meilleur pour le bien futur de nos enfants . courage
ha j’oubliais j’ai 70 ans , un pauvre et enfant de pauvre, ce qui n’est pas une honte !
29 octobre 2011 à 22:35
Je suis assez d’accord avec Sam, Caleb. Mais je crois au contraire que c’est la question centrale du dollar qui est en jeu. Il ne faudrait pas oublier que le bancor est conçu comme alternative au désordre monétaire actuel où les taux de change fluctuent en fonction des caprices des spéculateurs, et que ce système a précisément été refusé en 1944 par les USA qui préférèrent instituer le roi-dollar plutôt qu’un étalon monétaire international. Le système de Bretton Woods, du moins ce qu’il en reste une fois que la limite du 35$ l’once d’or a sauté, reste largement en faveur des Etats-Unis d’Amérique qui de fait disposent du monopole sur la production illimitée de dollars américains, et jouissent donc du pouvoir de présenter des dollars fraîchement imprimés à toute marchandise qui entre sur le sol américain, mais également de prendre le contrôle sur des entreprises et des productions étrangères… gratuitement.
S’il n’est actuellement pas proposé de vive voix, c’est précisément parce que les Américains n’en veulent pas en raison du dollar, parce qu’ils souhaitent conserver leur monopole sur la monnaie qui gouverne les échanges mondiaux, et que les milieux d’affaires du monde n’en veulent pas dans la mesure où cela les priverait de la capacité de spéculer sur les monnaies! Keynes, je le rappelle, n’était pas un économiste de pacotille qui aurait voulu un nouvel ordre mondial capitaliste sauvage, mais un économiste qui plaçait au coeur de sa théorie des salaires élevés et le plein-emploi comme considérations premières. Et ces considérations ne s’arrêtaient pas à la Grande-Bretagne. L’histoire récente a montré que le bancor est une condition de la prospérité, mais également de la mise à mort définitive de l’impérialisme américain et de la libération et de l’Europe et de l’Afrique.
J’ajoute, et j’abonde dans le sens de Sam (sur son billet vieux de plus d’un an…) sur le fait qu’une chambre de compensation internationale serait gouvernée selon les règles d’un traité international. Il ne s’agit pas de jeter aux ortilles toute idée d’organisation internationale sous prétexte qu’aujourd’hui elles sont corrompues. Je crois que c’est un faux diable que de refuser le bancor, car à moins de fermer les frontières et de les protéger par des moyens militaires, le commerce international continue d’exister et il y a de facto un système monétaire international.