le racisme pour sortir de la crise ?

En ces temps de crise, toutes les formes de racisme semblent ressurgir sur la place publique, comme un corollaire logique aux tensions sociales qui énervent les relations entre les hommes. Le moindre fait divers est porté haut sur la place publique, érigé en exemple, généralisé et facteur de troubles susceptibles d’engendrer la violence. On évoque des lois contraignantes, on remet en question la liberté d’expression, on fait des amalgames osés, on prétend devoir rétablir l’ordre, et surtout on stigmatise certaines communautés. Cette stigmatisation qui apporte la peur, et qui engendre le racisme.

A côté de ces faits, nos gouvernants, qui prêchent l’amour et le respect des autres et qui voudraient même parfois les imposer de force, semblent ne pas comprendre ce racisme, et encore moins son origine : la preuve en est qu’ils ne traitent pas ce problème de manière préventive mais répressive. A force de s’étonner de la vanité des actions de ces derniers qui, malgré tous les efforts apparents, n’arrivent jamais à leurs fins, et qui parfois même semblent faire le contraire de ce qu’il faudrait pour apaiser les tensions, on en vient à oublier que le racisme est l’apanage des temps de crises, et qu’il peut s’avérer utile au pouvoir, s’il est savamment contrôlé. Cela peut en effet paraître étrange à première vue, mais s’explique logiquement si on entre un peu plus loin dans la réflexion : partant du principe que le racisme est aujourd’hui massivement considéré comme condamnable, et que par ailleurs on assiste pourtant à une remontée de tous les racismes alentours, c’est qu’il doit bien servir à quelque chose, et que certains doivent bien en profiter. Ensuite, en constatant d’une part que des débats comme celui sur l’identité nationale sont lancés par nos dirigeants eux-mêmes (débat à but discriminatoire à n’en pas douter, puisqu’il est censé différencier ce qui est « français »-et donc « bien »- de ce qui ne l’est pas), et que d’une autre ces mêmes dirigeants n’hésitent pas à serrer les mains d’autres dirigeants de communautés pourtant stigmatisées par ce même débat (pour des raisons évidemment commerciales ou stratégiques), on devrait pouvoir établir un lien entre le racisme supposé du gouvernement, face à la réalité de ses relations avec les pays étrangers, pour mettre en exergue une sorte de double stratégie partagée par les gouvernements entre eux, et au détriment de leurs propres populations : les gouvernements nationaux sont responsables d’une situation qu’ils ont créé, car elle les arrange bien.
Je m’explique : la notion de territoire, de nation, est un concept fondateur permettant au capitalisme de tourner sur lui-même. En effet, pour qu’il y ait des échanges, une hiérarchie, une concurrence, il faut qu’il y a ait des différences. La race humaine étant une seule et même race, elle ne devrait pas pouvoir établir de différence de valeur entre les êtres humains (pas plus que de frontières d’ailleurs), et le droit de l’un devrait logiquement être le même que le droit de l’autre, d’un bout à l’autre de la planète.

Mais le capitalisme ne peut se satisfaire de ce principe humaniste, car il a besoin de concurrence, d’ennemis, et donc de tensions pour prospérer. Basé sur le concept de rareté, il faut que le gâteau soit toujours soit trop petit pour tous, soit inégalement réparti.

Pour ce faire, les gouvernants, qui n’ont en réalité à l’esprit que leurs propres intérêts, se doivent pour rester en position dominante faire accepter à  leurs peuples, leur faire croire même, qu’il existe des différences intrinsèques entre les cultures, les communautés, les individus. Il faut qu’ils soient capables de se haïr pour accepter de se faire concurrence, il faut qu’ils se considèrent comme plus méritants pour accepter de prendre pour eux ce qui ne peut être donné à tous. Et il faut par dessus tout justifier par des considérations morales l’injustice du monde capitaliste, afin que les participants à ce grand jeu continuent de jouer, sans mauvaise conscience. En semant les graines de la différence, ils récoltent les divisions qui énervent les peuples, et s’en servent pour asseoir leur pouvoir.

Pour les dirigeants, le jeu en vaut la chandelle, car créer le racisme (qu’il soit social, culturel, religieux ou ethnique) au sein de leurs peuples leur procure de nombreux avantages, bien que pour la plupart ils ne fassent aucune différence entre les hommes : pour eux, ils ne sont même pas considérés en tant qu’êtres humains différentiables, mais plutôt jugés en tant que matière à profit, sans considération de couleur, de culture ou d’un quelconque autre critère. Ce qu’il leur faut, c’est qu’ils consomment, travaillent ou se battent, en se laissant exploiter sans rechigner.

 

C’est ainsi qu’à chaque grande crise du capitalisme, les gouvernants de tous bords profitent du climat tendu que favorisent chômage et mauvaise gouvernance (traiter les effets sans éviter les causes), afin de diviser un peu plus les communautés les plus touchées, en les conduisant à trouver les coupables de tous leurs maux non pas chez les dirigeants, mais dans le racisme de « l’autre », celui qu’on connaît mal et que les médias nous servent comme bouc-émissaires.

 

une fois le bouc-émissaire choisi et mis en exergue, il est facile pour un gouvernement en crise de trouver une parade et à la violence créée par cette stigmatisation, et à terme à la crise elle-même : la conception de « nation », les frontières, le protectionnisme, l’attaque en règle des libertés fondamentales, les emplois liés à la sécurité, la casse des droits sociaux sont des techniques déjà éprouvées par l’histoire. Alors que tous les économistes de bonne foi crient à la détérioration du système par les mesures employées, ils ne comprennent pas que les moyens qu’ils proposent ne soient pas adoptés par leurs élus.

 

Mais l’explication est pourtant bien simple : à travers le racisme et la stigmatisation d’une communauté (savamment orchestrée par des formes de langage et de propagande appropriées, comme le passage subtil du terme « communautaire » en « communautarisme »), les gouvernements espèrent bien créer des tensions plus fortes encore, dépassant les frontières de leur « sainte nation ». Ainsi, en renforçant d’un côté la haine vis à vis de « l’ennemi intérieur » créé, et de l’autre la peur de « l’ennemi extérieur » accusé, ils peuvent se trouver à même de relancer leur économie nationale à travers la sécurité devenue nécessaire, et en même temps s’assurer du soutien (et du sacrifice social et financier) d’une population rangée sous la bannière de « l’union sacrée ».

Alors, si tout se passe comme convenu, et après une bonne petite guerre « préventive » par exemple, les nations qui ont bien mené leurs petites affaires ressortiront de cette guerre économiquement renforcés, avec peut-être à la clef quelques bonnes affaires sur le territoire des perdants, à qui on serrera la main avec empressement, en leur vendant notre aide à la reconstruction de leur pauvre nation disloquée : la crise sera terminée, et tant pis pour les économistes !

 

Caleb Irri

http://www.calebirri.unblog.fr

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