Dans sa lutte acharnée contre les libertés, il est de mise désormais pour le pouvoir d’accoler à chaque droit de l’homme un devoir lui correspondant, comme un revers de médaille. A force de répéter cette « contre-vérité » (comme quoi le devoir est un complément du droit) qui n’est rien de moins qu’un mensonge, nos artisans du double langage finissent par nous faire entrer cette idée dans la tête ; tant et si bien que c’est à croire à la fin que ces deux termes sont opposés et complémentaires comme le sont le yin et le yang.
Pourtant, si on regarde bien ces deux notions, elles ne font pas que se tourner le dos, elles s’anéantissent l’une l’autre : car plus il y a de devoirs, et moins il y a de droits. elles sont séparées dans la réalité, par le fait que l’essence de l’homme est de jouir de ses droits, et que les devoirs sont l’apanage de l’Etat, dont le rôle devrait être de poursuivre sans relâche la défense des droits et des libertés des citoyens.
Or un citoyen totalement libre ne devrait avoir que des droits.
Car le droit est une liberté dont on choisit de bénéficier ou non, et le devoir est une contrainte qui suppose un échange, voire une dépendance. A partir du moment où l’Etat se croit capable d’indiquer aux citoyens non plus leurs droits mais leurs devoirs, à partir du moment où l’Etat se donne des droits sans s’acquitter de ses devoirs, c’est évidemment que le régime a changé sinon de nom, au moins de nature.
pour ma part, je n’ai pas le souvenir d’une révolution établissant de « déclaration des croits et devoirs de l’homme », et je m’étonne que personne ne s’interroge sur un fait troublant mais néanmoins réel : la seule déclaration des droits de l’homme que je connaisse est pourtant bel et bien la base sur laquelle est censée être fondée notre constitution. Si l’on songe aujourd’hui à remettre ces droits en cause, il faudra bientôt changer ou de régime, ou de gouvernement…
Les seuls devoirs que peut accepter l’homme sont ceux qu’il s’impose à lui-même, en toute liberté. A lui de les remplir ou pas, il en est seul responsable, car il en est libre.
Mais en accolant ainsi les devoirs au droits, on voudrait nous faire croire qu’ils sont les deux faces d’un même concept, alors qu’en réalité l’un exclut l’autre. La finesse de nos gouvernants est particulièrement subtile, car en établissant le devoir comme un pendant du droit, ils créent non pas un équilibre, mais la notion de condition. A la condition de remplir ses devoirs, le citoyen peut ensuite bénéficier de droits (qui ne sont donc plus des droits dans leur véritable sens)
Prenons un exemple révélateur, celui de l’aide sociale.
Tout individu avait, jusqu’à présent, le droit de bénéficier d’un revenu minimum lui permettant de vivre plus ou moins décemment. Mais au fur et à mesure que les finances de l’Etat s’enfoncèrent dans le rouge, ce droit fut restreint par des devoirs (contrat d’insertion, recherche effective d’emploi…). Avec les lois récentes, les devoirs du sans-emploi s’agrandissent au détriment de ses droits, avec la notion « d’offre raisonnable », qui permet à l’Etat de faire sortir du cadre tout citoyen qui en refuse plus de trois. Cela signifie que le droit aux indemnités disparaît peu ou prou, remplacé par la condition de recherche « effective » d’emploi. finies donc les années sabbatiques !
Mais là ou le gouvernement est vraiment fort, c’est dans sa conduite des évènements. Après avoir établi le devoir de recherche, et d’acceptation, d’une certaine adéquation entre ses aptitudes et le marché du travail, il prépare la deuxième étape en se servant de ces fameux devoirs : celui de suivre une formation pour bénéficier des minimums sociaux. Ainsi, le droit de ne pas travailler sera définitivement supprimé, et en même temps que lui le simple droit de vouloir choisir son travail. Car si la formation se basera dans un premier temps sur les aspirations et les diplômes du « chercheur de travail », une loi suivante imposera sans doute le devoir de la « formation raisonnable », c’est à dire celle qui s’impose selon les besoins du marché.
Pour le reste des actions gouvernementales, il n’est qu’à étendre ce concept de devoirs à tous les services publics pour bien saisir où l’on veut nous conduire : la disparition progressive de nos droits au profit de devoirs, librement consentis par le peuple qui se dessaisi peu à peu de sa liberté, victime du double-langage habilement tenu par nos dirigeants.
En continuant de détruire l’éducation comme ils s’y attèlent aujourd’hui, il semble même que d’ici à une ou deux générations le mot « droit » ne sera plus que juridique, et le terme « liberté » aura perdu tout son sens. Nos enfants n’aurons plus que le devoir de se taire, nos dirigeants ayant réussi par leur politique à les abrutir de telle façon qu’ils accepteront sans rechigner la mise en place d’une nouvelle constitution, basée cette fois-ci sur la « déclaration universelle des devoirs de l’homme et du citoyen ».
Caleb Irri
20 mars 2010 à 12:03
Bonjour,
Je découvre votre site qui a l’air trés intéressant, mais concernant le droit et les devoirs, vous oubliez de parler des fonctionnaires, qui sont soumis au droits et obligations des fonctionnaires, comme le droit de réserve par exemple.
Personnellement je suis une simple adjoint administrative dans un conseil général dit de gauche, et bien je vais être exclu 3 jours, sans rémunération bien sur, parce que j’ai envoyé un mail sur l’intranet de mon boulot pour informer les gens sur l’allocation de chômage que se sont voté tous les députés, de tous bords, en 2007, qui fait qu’ils touchent plus de 5000 € par mois pendant 5 ans s’ils ne sont pas réélus !!!!et sans contre partie !!
Les seuls droits que l’on a en tant que fonctionnaire, c’est de faire sont boulot et surtout de fermer sa gueule, et le mieux est encore de n’avoir aucun caractère et d’être très hypocrite!
Et ce principe existe depuis qu’il y a une fonction publique ….
10 novembre 2010 à 12:39
Caleb,
Ce gouvernement usurpe même les mots pour se les approprier. Le mot devoir en particulier puisqu’il semble faire partie de son vocabulaire devrait s’appliquer à lui-même en tout premier lieu. Ce qui n’empêche pas de considérer la notion de devoir devant préempter celle d’exigence de son « bon » droit (accomplir son devoir)
@Corinne
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