La conception philosophique de l’homme est à l’origine de toutes les théories économiques qui font loi aujourd’hui.
A l’occasion d’une émission sur France-inter, j’ai été surpris d’entendre un homme évoquer Adam Smith et Hobbes, deux économistes majeurs dont les hypothèses sont les bases de notre système économique.
Et bien ces deux hommes partaient du principe que l’homme était intrinsèquement mauvais, et qu’en conséquence les lois régissant leurs actes devaient soit les contraindre à vivre selon des règles strictes, soit laisser agir leurs malfaisances, ce qui aboutirait selon un jeu de multiplications négatives à un résultat positif.
En dehors du fait qu’à la lueur des évènements actuels (faim, chômage, inégalités, guerres) l’une et l’autre des solutions préconisées par ces deux génies semblent trouver leurs limites, je m’interroge sur les raisons d’une telle conception primordiale.
Ces deux hommes si habiles à dénoncer les vices d’autrui s’excluaient-ils de cette humanité ?
Ces êtres humains méritent-ils d’être « sauvés » par ces grands économistes exempts de ce mal ?
On comprend peut-être un peu mieux la conception de ces deux hommes si on la resitue dans un contexte religieux, à savoir le « péché originel » dont sont souillés les hommes à la naissance.
Mais quand bien même on y croirait, le but de la société est-il de s’adapter à la malignité des hommes ou de transformer l’homme pour l’absoudre de cette méchanceté supposée ?
Il n’est pas rare de rencontrer des partisans d’une telle théorie sur la méchanceté inhérente à l’homme. En général, ils prennent un air désabusé en hochant la tête de droite à gauche. Comme si la sagesse avait définitivement frappé votre interlocuteur, on peut lire sur son visage la déception et le malheur qui le touche au plus profond de son être. Pas besoin d’en dire plus, si tous les hommes étaient comme votre interlocuteur, le monde serait vraiment meilleur…
Mais si l’on continue et que l’on pose la question à tous les voisins d’un immeuble, on s’aperçoit qu’ils vous sortent tous le même discours, et tous le même air de désolation. A croire que l’immeuble est un havre de paix, ou bien à suspecter qu’il est un nid de menteurs…
Alors sommes-nous tous mauvais, ou croyons-nous tous que les autres le sont ?
A mon avis une chose est sûre, c’est que nous sommes tous bêtes, et c’est bien là le vrai problème. Si bêtes que nous acceptions qu’on nous condamne comme « êtres nuisibles » avant de nous avoir jugés sur pièces. Après cela, ne nous étonnons pas si les meilleurs craquent. Puisque la règle est apparemment d’être mauvais, autant ne pas s’écarter du troupeau, n’ayons plus de complexe : soyons mauvais.
C’est sur ce principe que repose le capitalisme, et c’est ce principe que glorifie le capitalisme.
Ce n’est pas moi qui désire mettre au chômage mes employés pour sauvegarder les dividendes, se sont les actionnaires qui les exigent. Les actionnaires répondent qu’ils n’y sont pour rien, ce sont les Chinois qui font baisser les prix. Les Chinois répondent que ce sont les consommateurs qui veulent des prix toujours plus bas. Les consommateurs répondent que ce sont leurs salaires qui sont trop bas. Les politiques répondent qu’ils y travaillent, mais que c’est la mondialisation.
Nous sommes tous mauvais car le système nous met devant un choix qui n’en est pas un : soit tu marches sur la tête des autres pour te tenir en haut, soit c’est sur ta tête qu’on marchera.
Pas moyen de marcher côte à côte. La concurrence est la véritable origine de la méchanceté. Cette méchanceté qui sert à faire de belles théories économiques. Que l’homme soit mauvais ou pas n’est pas important, il faut juste qu’il le devienne.
9 décembre 2008
philo, politique?, révolution?