A la lecture du titre d’un article paru sur « lemonde.fr » (http://www.lemonde.fr/economie/article/2008/11/15/les-benefices-du-cac-40-seront-encore-record-en-2008_1119084_3234.html), il serait facile de se mettre en colère : quoi, des bénéfices records pour 2008, et la crise alors ?
Comment est-il possible qu’en perdant près de 40% de sa valeur en un an les entreprises cotées en bourse augmentent leur bénéfice de 12% ?
Fort heureusement l’article tente de nous rassurer en prévoyant pour l’année 2009 un net ralentissement de ces bénéfices, et la journaliste du monde tente même de nous émouvoir par des justifications laborieuses : les bourses baissent parce que les prévisions des analystes ne sont pas bonnes pour 2009.
La faute à qui ? « en raison des inquiétudes des ménages quant à leur pouvoir d’achat, qui provoquent une baisse de la consommation ».
Moi qui croyais naïvement que la consommation baissait tout simplement en raison non des inquiétudes des ménages mais à cause de leur pouvoir d’achat réel…
Et puis c’est la crise bancaire, le resserrement du crédit. Pourtant, à voir les résultats, on ne dirait pas qu’ils sont dans une misère noire…
Ensuite arrive l’incertitude des firmes qui incitent « à geler ou à décaler leurs investissements ».
Comme si les licenciements massifs actuels et à venir n’étaient qu’un « gel » des investissements !
Et pour finir au sujet des dépréciations d’actifs, j’ai l’impression que malgré la baisse de l’immobilier et le resserrement du crédit, les banques et autres grandes firmes n’ont pas à se plaindre du côté des crédits aux vues des sommes prêtées et garanties par l’Etat.
A lire la fin de l’article et l’énumération des groupes qui ne se portent pas si mal, on croirait que d’une part les résultats n’ont pas chuté autant qu’on nous l’a annoncé, mais qu’en plus la suite des évènements a été plutôt bien anticipée. Et lorsqu’on retourne les yeux sur le titre, on se demande si toute cette histoire de crise n’est pas un peu exagérée…
Car enfin on sait assez comment cela se passe : les actionnaires ont un taux de rémunération exigé, et pour l’atteindre les entreprises doivent économiser le plus possible. Comme la main d’œuvre est le coût le plus lourd, on délocalise et on licencie tant qu’il est possible, tout en essayant de ne pas perdre de productivité. Finalement on exige des employés plus de cette productivité, mais si l’on va trop loin on risque d’inverser celle-ci en rendant les employés trop stressés, trop épuisés. Pas rentable.
En réalité la hausse de ces bénéfices de la bourse ne sont que provisoires, à moins que d’inventer des moyens de coercition si sophistiqués qu’ils ne dépassent jamais la limite de la rentabilité. Car à un moment ou un autre les entreprises qui licencient ne pourront plus produire autant, et verront leur chiffre d’affaire baisser, comme cela est en train de se produire sur le marché automobile.
Bien sûr toutes ces entreprises feront encore des bénéfices, mais moins. Pas de quoi se lamenter sur leur sort en tous cas.
Juste celui de la journaliste qui m’inquiète un peu. Son article semble être un exemple parfait de ce qu’est la double-pensée, à l’image d’un gouvernement dont elle semble un porte-voix bien conditionné:
« Connaître et ne pas connaître. En pleine conscience et avec une absolue bonne foi, émettre des mensonges soigneusement agencés. Retenir simultanément deux opinions qui s’annulent alors qu’on les sait contradictoires et croire à toutes deux. Employer la logique contre la logique. Répudier la morale alors qu’on se réclame d’elle. Croire en même temps que la démocratie est impossible et que le Parti est gardien de la démocratie. Oublier tout ce qu’il est nécessaire d’oublier, puis le rappeler à sa mémoire quand on en a besoin, pour l’oublier plus rapidement encore. Surtout, appliquer le même processus au processus lui-même. Là était l’ultime subtilité. Persuader consciemment l’inconscient, puis devenir ensuite inconscient de l’acte d’hypnose que l’on vient de perpétrer » (George Orwell)
caleb irri
17 novembre 2008
crise, double coup, misère